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La  Reformulation

Novembre 2002    -    © copyright Thierry TOURNEBISE

 

Dans cet article, j’utiliserai les mots «écoutant» et «écouté»
pour désigner les deux interlocuteurs d’une communication ou d’une thérapie

 

Malmenée et méconnue !

Banalisée

La reformulation est certainement un des points les plus évoqués quand on parle de communication. On ne peut y échapper !

Dans les psychothérapies utilisant l’approche verbale, la reformulation est aussi un fondement quasi incontournable. Elle y est utilisée comme un moyen d’accompagner un patient dans l’expression de ce qui lui est arrivé et surtout dans l’expression de ce qu’il ressent

Cette notion de reformulation est si bien passée dans le langage courant des psys et des personnes travaillant dans la communication qu’elle en est banalisée… au point que souvent on ne sait même plus très bien de quoi il s’agit (même quand on croit le savoir!).

Technicisée et sacralisée

Le mot «reformulation» est devenu une sorte de mot à la fois ordinaire et sacré dont on a perdu le sens mais qu’on prononce à tout bout de champs comme une sorte de formule magique sensée être la solution à tous les maux.

Cela nous a conduit à en égarer la substance pour n’en retenir qu’une sorte de technique… mais quand la reformulation est réduite à l’aspect de technique, elle n’apporte plus rien... elle peut même en devenir néfaste.

Elle n’est trop souvent qu’une froide application, un miroir sans chaleur, un abandon de l’écouté à lui-même, la manifestation permanente de l’insatisfaction de l’écoutant qui en veut toujours plus.

Dans cet article je serai heureux à la fois de désacraliser  cette notion, mais aussi de lui rendre toute la profondeur qu’elle apporte à l’interlocuteur. Accompagnant la chaleur humaine, elle en est la juste expression. Elle révèle une attitude respectueuse et pleine de considération.

Dans sa valeur de base

Elle est la marque d’un comportement centré sur l’individu plutôt que sur le verbe et d’une considération inconditionnelle. Ces deux notions, abondamment recommandées par Carl Rogers, comme fondement d’une véritable écoute, ont un peu été oubliées.

Par contre, on a beaucoup retenu l’idée de reformulation en tant que technique… et celle d’empathie (très ambiguë) que tout le monde évoque aussi un peu à tort et à travers.

Très souvent évoquée, la reformulation est méconnue dans ses nuances. Elle est tout autre chose qu’une répétition de ce qui vient d’être dit. L’écoutant, avec la reformulation, est sensé proposer à l’écouté ce qu’il y a de plus délicat en terme de reconnaissance, de considération et d’accompagnement.

Trois ersatz de reformulation (définition Ersatz )

Trop technique

Dans ce cas elle est l’œuvre éclatante d’un perroquet qui, comme la nymphe Echo ne pouvait que répéter les propos de son interlocuteur. Echos était une bavarde invétérée qui avait distrait Erra (femme de Zeus) pendant les aventures galantes de son mari. Découvrant cela, Erra se chargea de trouver un moyen de contenir ce bavardage aux conséquences si néfastes. La nymphe Echos reçut ainsi la malédiction consistant à avoir pour seule conversation… de répéter le propos de son interlocuteur.

Même si cela lui donnait l’avantage d’avoir le dernier mot… il y a tout de même beaucoup d’inconvénients!

De la même manière, si la reformulation n’est que technique, elle sera utilisée par le communicant ou le thérapeute pour faire taire son propre bavardage personnel afin que celui-ci ne distrait pas l’écouté  de lui-même.

Dans ce cas la reformulation risque de ne manifester qu’indifférence et froideur. Elle souligne l’incompétence de l’écoutant en matière de communication.

La reformulation ne peut en aucun cas être réduite à une technique. Elle risquerait alors non seulement d’être inefficace, mais même de devenir néfaste en décourageant celui qui s’exprime, lui donnant l’impression qu’il ne s’adresse qu’à une machine à répéter.

Trop miroir

La reformulation est souvent associée à l’idée de miroir. «Etre un miroir pour l’autre» est une notion également galvaudée en psy et qui mériterait, à elle seule, tout un article. Elle est aussi trop souvent assimilée à une technique plus qu’à une réelle capacité de communication.

L’idée de miroir peut sembler plus subtile qu’un simple écho car elle propose de renvoyer à l’écouté ce qu’il exprime, ce qu’il montre de ses ressentis. Il ne s’agit plus de répéter des mots mais de renvoyer une «image» plus complète de l’écouté.

Si l’écho désigne la répétition du son, le miroir évoque celle de l’ «image». Nous y trouvons aussi l’avantage de diminuer les risques d’interprétation des propos de l’écouté, car théoriquement l’écoutant n’ajoute rien à ce que l’écouté vient d’exprimer… mais on y trouve le terrible inconvénient de la froideur.

Réduite à l’idée de technique, la notion de miroir n’est plus qu’un reflet sur la glace et donne à l’écouté un sentiment d’être abandonné face à lui-même.

Il ne peut être pertinent de simplement renvoyer à l’écouté l’image qu’il montre. Ce qui est important c’est de lui offrir une présence assez sécurisante pour qu’il puisse se rencontrer lui-même. Cela suppose beaucoup de chaleur humaine de la part de l’écoutant.

Celui qui se veut miroir prend le risque de n’être que froid et glacé. Il ne produira pas cette sécurité permettant à l’autre de se livrer, de se rencontrer.

La chaleur humaine se doit d’être présente. Malheureusement, la chaleur humaine a trop souvent été assimilée à de l’affectivité… Et comme l’affectivité est réellement néfaste en matière de communication et de psychothérapie… on s’en méfie.

Ainsi, voulant éviter (à juste titre) l’affectivité, on ampute la chaleur humaine qui, elle, est indispensable. Je développerai plus loin avec détail cette notion, car elle est une composante essentielle de la reformulation de qualité.

Trop insatisfaite

Parfois la reformulation ne sera pas un miroir, mais un écho tronqué. Elle ne sera qu’une répétition des deux ou trois derniers mots de l’interlocuteur, l’invitant à poursuivre son propos. "Une sorte de «et alors…?"

L’écouté rajoutera de l’information, des détails, des explications, des précisions… et entendra avec ce type de reformulation un éternel «et alors…?»

Chaque précision ajoutée ne semble pas satisfaire l’écoutant, sans cesse plus exigeant. L'écouté ressentira alors l’inconfort terrible d’être précipité sur une pente vertigineuse le conduisant à un trou sans fin… De précision en précision, il ne se trouvera pas, mais va plutôt se perdre dans un vide où personne ne l’accompagne.

Il sentira une solitude inquiétante qui l’éloignera de lui-même. Si en plus l’écoutant est persuadé de bien faire, l’écouté peut même en venir à se sentir coupable de s’être perdu…

Maladroitement l’écoutant peut alors dangereusement en déduire que c’est parce que l’écouté a un problème à résoudre…

Ceci revient à l’accabler d’un problème qu’il n’a pas et non content de ne pas l’aider, l’écoutant augmente sa charge. Des phases du genre : «si vous avez des difficultés à aller plus loin, c’est que vous avez encore des résistances...» fait partie des conclusions assassines de l’écoutant incompétent… qui attribut à son interlocuteur des difficultés qui en fait sont chez lui.

Préalable à une vraie reformulation

L’exploration faite des trois ersatz ci-dessus nous permettra de mieux considérer l’écart par rapport à une reformulation de réelle qualité. Celle-ci est incluse dans un échange qui mérite le nom de communication (pour plus de détails sur la communication, vous pouvez lire sur ce site l’article de septembre 2001 Assertivité).

Avant d’aborder ce qu’est cette vraie reformulation le moment est venu de préciser ce que sont chaleur humaine (indispensable) et affectivité (indésirable).

Ce préalable est très important car ces deux notions sont habituellement si peu différenciées que voulant éviter l’une qui est néfaste, on détruit l’autre qui, elle, est indispensable.

La chaleur humaine

Remarquons d’abord que la chaleur humaine réchauffe alors que l’affectivité étouffe. Cela marque déjà une différence majeure.

La chaleur humaine exprime de la présence, de la considération, de la liberté, du respect et elle sécurise.

La chaleur humaine est l’expression d’une affirmation de soi et l’assurance que nous agissons réellement pour l’autre et non pour nous-mêmes.

Quand je donne mon aide à quelqu’un, c’est pour lui, et non pour en retirer un quelconque avantage existentiel. Je ne me sers pas de lui pour me sentir efficace ou important.

Dans la chaleur humaine, je ne suis surtout pas dans l’empathie : c'est-à-dire je ne me mets pas à la place de l’autre. Se mettre à la place de l’autre revient à ne plus le voir pour ne plus contempler que son propre imaginaire personnel. Cela ne rend pas chaleureux! De cette distanciation (paradoxalement, en se mettant à la place de l’autre on s’en éloigne) résulterait que, croyant résoudre les problèmes qui sont chez l’autre, on ne fait que s’occuper de ceux qu’on imagine.

Le risque est alors d’induire chez l’autre ce qui ne vient que de soi! Pour en savoir plus sur l’empathie, vous pouvez lire sur ce site l’article de novembre 2000  Les pièges de l’empathie.

La chaleur humaine ne vient pas de cette capacité à se mettre à la place de l’autre. Elle vient de la capacité à être distinct sans être distant. On se doit d’être proche, mais aussi d’être distinct. L’éternel problème de la bonne distance comporte une réponse simple : il ne faut aucune distance. Si cette notion vous semble ambiguë, je vous invite à lire sur ce site l’article de janvier 2001  La bonne distance dans le management. J’y évoque la nécessité de cette absence de distance en général et dans la conduite d’équipe en particulier

La chaleur humaine est la base incontournable d’une écoute de qualité C’est grâce à elle que, sécurisé, l’écouté ose se livrer… et surtout, en thérapie, ose accéder à lui-même. Vous pouvez à ce sujet lire le chapitre  4 «La chaleur humaine sans l’affectivité» page 22 à 25  dans mon ouvrage l’Ecoute thérapeutique édité chez ESF.

Pour accéder, en soi, à ce qui nous a toujours fait peur (car le monde psy l’a sans doute maladroitement diabolisé) nous avons besoin de cette chaleur, de cet accompagnement, de cette assurance que nous ne sommes pas seul.

La reformulation n’échappe pas à cette règle. Elle ne sera efficiente qu’accompagnée de cette chaleur de vie. Elle permettra même d’apaiser beaucoup de situations dont je donnerai les exemples en fin d’article (violences, tentatives de suicide, dépression, éducation, couple, accueil, management… et bien sûr psychothérapie).

L’affectivité

Si la chaleur humaine réchauffe et que l’affectivité étouffe c’est que dans le premier cas nous agissons pour l’autre alors que dans le second nous tentons inconsciemment d’utiliser l’autre pour compenser un ou plusieurs de nos manques.

Nos manques sont les vides laissés par les parties de notre vie que nous avons maintenues à l’écart faute de pouvoir les intégrer, à l’époque, par manque de maturité ou trop de douleurs.

Par exemple un individu, à qui ses parents ont toujours dit qu’il n’arrivera à rien, peut essayer de lutter contre ces paroles. Il tentera alors de mettre de la distance entre l’enfant douloureux qu’il était et lui-même, aujourd’hui, essayant de devenir meilleur. Manquant de parents qui l’apprécient et manquant de cet enfant qu’il était et qu’il rejette… il essayera de compenser ses vides… Il fera cela, plus tard, en aidant des personnes qui lui seront reconnaissantes.

Dans ce cas il ne les aide pas pour elles, mais pour lui. Alors qu’il sera convaincu de s’occuper généreusement des autres, son projet inconscient sera de compenser ses manques et le rendra très vulnérable aux réactions d’autrui… il tombera facilement dans le transfert ou le contre transfert.

Pour plus de détails sur ces manques, vous pouvez lire sur ce site le dossier psychothérapie aux paragraphes structure physique et structure psychique ainsi que quête des parts manquantes.

Celui qui prétend donner, et qui est dans l’affectivité, ne fait qu’imposer et ne nous laisse aucun choix de refuser… sinon il se vexe. Il nous prend notre liberté et en fait ne donne rien… il impose. Or donner-recevoir est très différent de imposer-prendre.

Même quand l’affectivité se travestit en semblant de chaleur humaine, elle nuit, elle étouffe.

Mais il arrive que loin de ressembler à de la chaleur, l’affectivité produise ouvertement de la destructivité, de la colère, de la violence, de la contradiction. Dans ce cas elle n’a plus pour projet de compenser des manques, mais plutôt de lutter contre leur éventuelle aggravation à cause des autres!

Si cet autre volet de l’affectivité n’est jamais confondu avec la chaleur humaine, il peut par contre être abusivement confondu avec l’affirmation de soi. Or cette expression de l’affectivité ne fait qu’exprimer une lutte pour ne pas aggraver un terrible sentiment de ne pas exister (nombreux manques en soi). Ce sentiment est compensé par l’ego ou la personnalité qui ne sont que des masques ou des tuteurs. Pour plus de précisions sur ce sujet vous pouvez lire sur ce site l’article de mars 2001 un quelqu’un en habit de personne.

Délicatesse de la reformulation

Comprenant mieux ce qu’est la chaleur humaine, nous pouvons maintenant aborder ce qu’est vraiment une reformulation.

Plus que des mots

La qualité de la reformulation se tient au delà des mots. Même si les mots ont une importance, ce qui les accompagne en a bien plus.

Ce qui les accompagne, c’est le non verbal. Les mots, c’est la sémantique (le sens que leur donne le dictionnaire) et le non verbal, ce sont l’intonation de la voix ainsi que la gestuelle et les mimiques. Loin d’être accessoire, le non verbal représente 90% du message envoyé.

Les mêmes mots, la même phrase, selon le non verbal qui les accompagne, peuvent  changer de sens au point de signifier le contraire.

Ce non verbal n’est que très partiellement contrôlable. Il reflète notre pensée consciente ou inconsciente. Quand cette pensée est en accord avec ce qui est dit, nous parlons de congruence et dans ce cas l’interlocuteur sent qu’il y a accord entre ce qui est dit et ce qui est pensé.

Dans le cas contraire il n’y a pas congruence : l’interlocuteur repère la situation incongrue et ne fait pas confiance.

Reformuler procède d’abord d’un état d’esprit avant d’être une verbalisation. Cet état d’esprit commence par la confiance.

Confiance, reconnaissance et considération

L’écoutant, avant de reformuler doit être animé par une totale confiance en l’écouté. Il n’est qu’accessoire que l’écoutant ait confiance en lui-même, ce qui est important c’est qu’il ait confiance en l’écouté.

Naturellement, «confiance» ne veut pas dire qu’il met sa vie, ni même ses biens entre ses mains.

Sa confiance se situe aux niveaux suivants :

1-Il a confiance dans le fait que quoi que dise ou fasse l’écouté, il a une raison (pas une excuse, mais une raison). Une raison, c'est-à-dire quelque chose qui fonde son propos, que cette chose soit consciente ou non. En fait, à travers ce qu’il exprime il ne fait que parler de lui (même quand il parle contre les autres).

2-D’autre part, cette confiance s’applique aussi au fait que cette raison est toujours une zone de manque en lui, qu’il tente de retrouver pour la combler.

3-Enfin ce manque est une part de lui-même qui est précieuse mais qu’il a laissée de côté. La pulsion de survie, à cause de la douleur de l’époque, l’a amené à l’éloigner de lui. Ce qui est arrivé dans cette zone d’existence n’est pas forcément précieux (loin de là), mais ce que lui, était dans cette zone, l’est toujours et mérite d’être retrouvé, entendu,  aidé.

4-L’écouté est animé automatiquement par une pulsion de vie qui régulièrement le rapproche de cette zone au cours de son existence, et cela, qu’il le veuille ou non. Au cours d’un entretien l’écoutant est allié de la pulsion de vie qui rapproche l’écouté de sa raison, de la cause, de la source de ce qu’il ressent et qu’il cherche à exprimer. Pour plus de précisions sur les pulsions de vie et de survie, vous pouvez lire sur ce site le dossier psychothérapie aux paragraphes  «les vécus sources d’amputations» et «simplement accomplir le travail en cours».

 

Cette confiance est une reconnaissance de l’enjeu pertinent qui se joue en l’écouté. C’est lui accorder que cet enjeu est fiable et que lui seul (même si c’est inconscient) en détient les clés.

L’écoutant se doit d’accepter de ne pas savoir face à l’écouté qui, lui, sait.

Nous ne sommes pas habitués à cette attitude de non savoir. L’habitude culturelle nous invite plutôt à savoir plus pour être plus compétents ! Mais dans le domaine thérapeutique ou dans celui de la communication, cette notion s’inverse. Pour être compétent en matière d’écoute, il est impérieux d’accepter de ne pas savoir à la place de celui qu’on écoute. Pour plus détails sur ce point, vous pouvez lire l’article d’avril 2001 Le non savoir source de compétence.

Une affirmation légèrement interrogative

Maintenant, les mots peuvent prendre place.

Dans la reformulation, ils prendront la forme d’un genre particulier de question fermée : Une affirmation légèrement interrogative.

Une question dite fermée est une question à laquelle on est invité à répondre par oui ou par non. Mal connu, parfois décrié, ce type de question est un élément majeur permettant à quelqu’un d’accéder en douceur aux informations qu’il a en lui. Nous verrons ainsi alterner questions fermées et questions ouvertes (appelant, elles, détails ou explications).

Pour ne pas induire, naturellement la question fermée doit absolument être sans condition de réponse. C'est-à-dire que l’écouté pourra librement et sereinement répondre un oui ou un non sans sentir que cela risque de poser le moindre problème. Une question fermée n’enferme pas, au contraire elle va souvent débloquer une communication coincée (si besoin, vous pouvez consulter sur ce site le dossier communication à types de questions). Ce type de question est impératif à chaque fois que la pensée de l’écouté n’est pas encore structurée sur un sujet.

Très curieux que d’un côté on méprise souvent les questions fermées et d’un autre on idéalise la reformulation. La délicatesse de la question fermée  en fait un accès progressif et respectueux vers la raison de l’interlocuteur.

Exemple: si l’écouté exprime «je suis inquiet» avec un non verbal explicite indiquant une grande dimension de cette inquiétude, l’écoutant reformulera «Vous êtes vraiment très inquiet?» avec beaucoup de confiance et de considération, et en prenant soin de laisser à l’écouté la possibilité de dire éventuellement «non c’est pas vraiment ça» car celui-ci doit rester libre de son cheminement, de son sens, de sa raison … lui seul a les clés de chez lui!

La difficulté est sans doute que la reformulation ne soit ni trop affirmative, ni trop interrogative.

Trop affirmative, elle risque d’enfermer l’écouté dans une réflexion qui n’est pas la sienne. Ce serait une sorte de pouvoir inacceptable. Trop interrogative, elle risque de lui donner le sentiment que l’écoutant n’a rien compris. Dans les deux cas c’est un échec.

Mais ce n’est pas une attitude qui se calcule. L’écoutant, animé par son propre non savoir, par sa confiance en l’écouté,  par la considération du côté précieux de la raison vers laquelle ce dernier tend sans le savoir … Tout cela concourt à un non verbal spontanément juste.

Reprendre ce que l’écouté exprime

La reformulation reprend ce que l’écouté exprime. Ce qu’il exprime n’est pas seulement ce qu’il dit verbalement. Dans l’exemple ci-dessus  («je suis inquiet»), vous remarquerez que j’ai pris la peine de vous mentionner le non verbal qui exprimait une grande inquiétude.

Reformuler «vous êtes inquiet?» serait déplacé. Ce que l’écoutant reformule, c’est le verbal, plus le non verbal exprimé par l’écouté : «Vous êtes vraiment très inquiet?» où l’intonation affirmative et seulement légèrement interrogative est essentielle.

Il se peut parfois même que l’on ne reformule que le non verbal. Si quelqu’un dit «Oui, oui, ça va bien» mais avec un non verbal exprimant un mal être… il serait déplacé de reformuler «ça va bien?». L’écoutant peut oser dire «Quelque chose te préoccupe?», reprenant simplement ce que l’écouté vient de manifester en non verbal.

Attention, il ne s’agit surtout pas d’une interprétation de l’attitude de l’écouté. Certains psys ont trop joué à ce jeu de l’interprétation et ont ainsi découragé leurs patients. Loin d’inspirer confiance, ils ont même inspiré de la méfiance. Il ne s’agit pas d’interpréter, mais «d’entendre» ce qui se dit hors des mots. Cependant,  comme il reste toujours une incertitude, la reformulation sera légèrement interrogative pour laisser à l’écouté la liberté de rester propriétaire de ce qu’il ressent.

Le projet est de rapprocher de la raison

Le projet de la reformulation n’est pas de gagner du temps quand on ne sait pas quoi dire. Il s’agit plutôt de permettre à notre interlocuteur de se rapprocher de sa raison, de la raison qui l’a conduit à exprimer ce qu’il a exprimé.

Avant qu’il ait dit quoi que ce soit, l’écoutant lui accorde inconditionnellement que cette raison existe et qu’elle est pertinente. C’est pour cela que le non verbal accompagnant la reformulation sera ressenti comme une réelle invitation… car c’est réellement une invitation à aller vers une précision qui de toute façon ne sera pas jugée.

Exemple: Une personne osant dire «Je bois (de l’alcool)» se verra reformuler «Vous éprouvez fortement le besoin de boire?» Le ton sera en même temps un constat, une reconnaissance, une affirmation et une légère interrogation. Le ton indiquera clairement que si la réponse à cette interrogation est «oui», l’existence d’une raison pertinente à ce fait de boire est acquise, sans aucune réserve. C’est ainsi que l’écouté se sentira à l’aise pour poursuivre par exemple par «oui, je ne peux pas m’en passer, je suis vraiment trop mal». Il sera alors aisé pour l’écoutant de poursuivre par «Qu’est-ce qui vous fait si mal?» (Sous entendu, en non verbal, «si mal que boire soit incontournable pour vous»). Alors qu’on reproche souvent aux alcooliques leur attitude de déni… mais ce déni n’a d’égal que celui de leur entourage à l’égard de leur raison.

La confiance qu’on met en l’autre lui permet d’accéder à sa raison sans crainte. Elle lui permet d’avancer en douceur vers lui-même. La reformulation exprime en même temps assurance et douceur. Elle est remplie de vie et de considération.

Le besoin d’être reconnu

C’est sans doute sur ce point que la reformulation authentique apporte  le plus. Il n’y a aucune manipulation, mais une authentique reconnaissance de l’autre. Il n’y a pas de technique, mais une réelle rencontre.

Du sentiment d’existence qui en résulte, l’écouté se sent entendu, reconnu, validé, accompagné. Il sort de son désert pour rencontrer un peu de chaleur humaine.

Cela fait toute la différence avec ceux qui, se prétendant communicants, ne sont en fait que des techniciens de l’entretien.

Je me souviens avoir vu pour la première fois une reformulation  en 1985 à la télévision! A l’époque, je n’en ai pas pris la mesure, même si j’ai été touché par la qualité de la communication à laquelle j’assistais. Ce n’est que récemment que je me suis aperçu que ce fut mon premier contact avec cette dimension que je vous décris aujourd’hui (même si je la pratique depuis de nombreuses années de cette façon).

C’était dans une émission de TF1 «Le bébé est une personne». On y voyait une séquence où Frantz Veltman, père de l’haptonomie s’occupe d’une femme enceinte dont l’enfant est trop haut, mal placé… si bien que l’obstétricien envisage la césarienne. Veltman s’approche de cette femme et lui dit (entendant ce qu’elle exprime en non verbal d’inquiétude et d’amour pour son enfant) «Vous aimez beaucoup votre bébé?» Une phrase toute simple, mais tellement juste par rapport à ce que cette femme exprime de tout son être, même si c’est sans mot.

Puis il a ajouté «Vous aimez l’avoir là, tout près de votre cœur?» confirmant ainsi ce qu’elle montre physiquement, mais avec un léger ton interrogatif pour ne pas l’enfermer dans ce propos. De son sourire la femme confirme. Sans difficulté il amena ensuite cette femme à lâcher puis retrouver son enfant à volonté. Si bien que celui-ci se plaça spontanément différemment et que la césarienne ne fut plus nécessaire.

Cette séquence montre bien ce que produit le fait d’être reconnu dans ce que l’on sent. L’obstétricien voulait résoudre le problème alors que Veltman était juste en situation de bien vouloir entendre la femme et de lui accorder qu’elle a une raison pertinente. Cette raison reconnue… le reste suit naturellement.

Sans doute l’ai-je vu d’autres fois avant. Je savais déjà le rôle de la formulation. Mais je n’en savais que ce que j’en avais appris, c'est-à-dire une technique parmi d’autres. Cet exemple fut pour moi déterminant en ce qui concerne le rôle de la reconnaissance et de la chaleur humaine.

Je l’ai ensuite retrouvée dans de nombreuses autres situations psychothérapiques. Qu’il s’agisse de violence, de souffrances, de fin de vie, d’angoisses, de pulsions suicidaires, de management, d’accueil, de vie familiale et de bien d’autres choses si différentes, ce fut une constante.

La reformulation apaise le besoin d’être reconnu. Dans mon article de juin 2002, Le danger de convaincre, je montrais à quel point la mode est plutôt à l’inverse. Or vouloir être convainquant, même pour le bien d’autrui,  produit au contraire une destruction des interlocuteurs.

Champs d’application

Je vous propose d’examiner quelques domaines dans lesquels la reformulation joue un rôle important. Ces exemples ne sont pas exhaustifs. J'aurai pu y ajouter le couple, l'éducation des enfants, l'enseignement, la conduite de réunion ...etc. Ceux dont j'ai choisi de vous parler  indiquent seulement que cela concerne pratiquement toutes les circonstances de l’existence.

Naturellement,  chaque phrase de reformulation proposée ci-dessous ne peut être considérée comme un exemple absolu de verbalisation. Ainsi que je l’ai proposé tout au long de cet article, la nuance est avant tout dans le non verbal… donc dans l’état d’esprit… dans la nature et de la sincérité du projet de l’écoutant.

Il est essentiel d’en tenir compte dans la lecture des exemples ci-dessous. 

Face à un interlocuteur qui se tait

Quand une personne semble se renfermer et se tait, la reformulation est particulièrement précieuse. Il suffit d’énoncer ce qu’il nous montre : «Vous ne souhaitez pas parler?» S’il répond (ou manifeste en non verbal) son souhait pour le silence, l’écoutant validera sa réponse.

Puis, si besoin, il continuera par «En quoi est-ce préférable, pour vous, de ne rien dire?» …mais attention au non verbal: il le fera en lui accordant inconditionnellement que s’il souhaite ne rien dire, sa raison est forcément pertinente. Il n’est pas dû à l’écoutant que cette raison lui soit révélée, mais il n’est pas déplacé de poser la question tant que celle-ci est sans condition, ni obligation de réponse.

Souvent cela permet de débloquer une situation. Il est fondamental de bien comprendre que le but n’est pas de faire parler, mais de rencontrer l’écouté et la pertinence de sa raison de choisir le silence.

Face à un menteur

Dans le cas d’un menteur, la confiance inconditionnelle s’applique aussi. Naturellement, il ne s’agit pas d’une confiance en le fait qu’il dit la vérité, mais en le fait qu’il a une bonne raison de préférer le mensonge.

Un enfant qui n’a pas fait ses devoirs dit : «J’ai tout fait!» L’écoutant lui reformulera «Tu préfères dire que tu as tout fait?» Une reformulation à prononcer impérativement sans ironie non verbale. Puis, si nécessaire, explorer en quoi c’est mieux de travestir la vérité.

Ici encore , le but n’est pas de montrer en quoi c’est mal de mentir, mais de rencontrer le menteur et de comprendre le fondement de sa raison de mentir. Un individu reconnu se remet mieux en cause qu’un individu nié ou piégé.

Avec les malades

Dans les services de soins, face à un malade qui angoisse ou qui refuse un repas, une toilette ou un médicament, la reformulation est également  précieuse. Il suffira à l’écoutant de nommer ce que le malade exprime en mots ou en attitudes. S’il angoisse, même s’il le dit seulement en non verbal, reformulez : «Vous êtes inquiet?», s’il refuse une toilette, reformulez : «Vous ne voulez pas vous laver?», s’il est crispé (même sans rien dire) reformulez : «Vous êtes tendu?»

Dans tous les cas, le type particulier de question fermée que représente la reformulation, permet ici une ouverture de dialogue. La question est fermée, mais sans aucune condition ni obligation de réponse, car le oui et le non sont tous deux librement possibles.

La réponse à la reformulation permet ensuite de passer à une question ouverte où le patient peut développer sa raison afin que l’écoutant la valide. Si par exemple il explique qu’il est inquiet parce qu’il a peur qu’un examen soit douloureux, l’écoutant lui proposera une validation de sa raison «si vous craignez d’avoir mal, je comprends que vous soyez inquiet!». Ceci est un message de cohérence. Puis si des explications sont nécessaires, l’écoutant les proposera après.

Le réflexe de l’écoutant est si souvent à l’opposé de cette attitude délicate : l’inquiétude se verra trop fréquemment contredite aussitôt par une explication sans qu’il n’y ait eu ni reformulation, ni validation de la raison. Cette explication sera alors vécue par l’écouté comme une agression et une fin de non recevoir. Il en résultera de la douleur pour l’écouté et du découragement pour l’écoutant. D’autre part, toute information qui sera ajoutée ne sera pas entendue.

Avec les personnes âgées

Quand en maison de retraite, une pensionnaire montre en non verbal un mécontentement en faisant l’activité de coloriage qu’on lui propose, l’écoutant reformulera «Cela ne vous convient pas?»

Quand malgré ses 97 ans une dame pleure en réclamant sa mère, l’écoutant reformulera «Votre mère vous manque?» Notez qu’avant de la resituer dans le temps, il est impératif de penser à la ressituer par rapport à sa raison (ici, son manque de mère). Sinon, on risque de lui faire perdre sa raison, qu’elle était en train de péniblement faire ressurgir. Valider la raison devrait faire partie du soin.

Une personne âgée ayant un tic (dont l’équipe soignante ne comprenait pas le sens), je lui demandais, en mimant son geste «Vous aimez faire cela?» Comme elle me fit signe que oui, je poursuivis par «pour quelle raison c’est agréable?» et elle me répondit «ça compense!» avec des yeux remplis de vie.

La reformulation a pour but de reconnaître et considérer l’interlocuteur, et de le rencontrer pour valider sa raison. C’est une source de vie devant s’intégrer à tout projet de vie sous peine de ne faire que brasser de l’occupationnel déprimant.

Face à la violence

La violence nécessite particulièrement la reformulation. Peut-être même le manque de reformulation est, le plus souvent, source d’une montée de colère et de violence. Cela se voit beaucoup  en milieu hospitalier, dans les services d’accueil ou d’urgence, ainsi que dans les administrations… et dans les chaumières !

Naturellement il est fondamental de ramener l’interlocuteur violent à la raison. Mais le ramener à la raison, c’est le ramener à la sienne… pas à la notre.  Le meilleur moyen de le calmer est de le ramener à la raison qui fonde sa violence. Nier cette raison ne fait qu’embraser la situation.

Une personne agressive devra s’entendre dire par l’écoutant «cela vous est insupportable?» ou «Vous n’êtes vraiment pas d’accord?» ou «vous êtes très en colère?» Naturellement le choix de la phrase de reformulation, comme dans tous les autres cas,  doit être adapté à la situation.

Ce qui est important, c’est surtout l’état d’esprit qui pousse à cette reformulation : accorder à l’écouté qu’il a une raison d’être violent et être d’accord pour entendre et valider cette raison.

Pour cela il doit être clair que valider la raison de la violence ne peut signifier valider la violence. Cela ne permet ni n’excuse la violence, mais au contraire lui permet de ne pas avoir besoin de trop se manifester pour être entendue.

Notons cependant que dans les cas de violences extrêmes (par exemple une menace avec une arme), la reformulation restera insuffisante et incertaine. Quoi qu’utile aussi, elle n’y sera qu’un adjuvant.  La sécurité implique généralement ici des moyens «musclés».

Dans la plupart des situations de violence habituelles et quotidiennes, l’efficacité de la validation par la reformulation est très, très, très efficace.

Face aux TS

La prise en charge des personnes ayant tenté de se suicider est trop souvent maladroite. Depuis 14 ans que je forme du personnel hospitalier, je remarque que la tendance est de nier l’acte et la douleur, puis de tenter de raccrocher le patient à la vie en lui détournant l’attention vers quelque chose qui est sensé être motivant.

Or, pour raccrocher le patient à la vie, l’écoutant se doit d’abord de lui accorder que s’il en est arrivé là, c’est qu’il a une bonne raison.

Exemple: Je pense à cette femme qui, après la naissance de son troisième enfant, a tenté de se suicider en se tranchant la carotide (ce qui est sensé être plus efficace que les veines). Elle a été sauvée de justesse, mais la tendance fut, hélas, d’essayer de la raccrocher à la vie en lui parlant de son dernier né… alors qu’on aurait dû accepter de comprendre que sa douleur est telle, que même le dernier né n’a pas empêché son acte.

Nier sa raison, nier sa douleur… revient à la nier elle, à la culpabiliser et à lui montrer que de toute façon personne ne la comprendra… et donc qu’au fond elle a maintenant une raison de plus de vouloir mourir! Cette mauvaise attitude est dangereuse et est source de récidive.

La reformulation aurait pu être : «vous avez souhaité mourir?» Puis à la réponse «oui» on aurait pu continuer par nouvelle reformulation «Vous aviez mal à ce point?». Enfin, une question ouverte peut être risquée «Qu’est-ce qui vous fait si mal que mourir soit pour vous une solution?»

Le projet doit impérativement être de l’entendre et de lui accorder de façon inconditionnelle qu’elle a une bonne raison... sinon elle ne l’aurait pas fait. Attention: une bonne raison de son point de vue, et pas forcément du notre. Pour comprendre cela, lire mon article sur le piège de l’empathie où j’exprime clairement le danger qu’il y a à se mettre à la place de l’autre. Je ne répèterai jamais assez que  se mettre à la place, conduit à ne plus voir l’autre et à ne gérer que son propre imaginaire… cela donne à l’écouté un sentiment d’abandon… dans le cas de suicidaires, cela est particulièrement dangereux. Se mettre à la place conduit à si peu comprendre l’autre qu’on en finit par le nier (car nous, à sa place… non!  nous ne ferions pas cela!)  

Lire aussi sur ce site l'article de juin 2001 Déprime et suicide.

Dans la fin de vie

La fin de vie est de mieux en mieux considérée par le monde médical qui peine quelque peu dans ce domaine. De façon pertinente, ce qui est un grand progrès, les soins palliatifs ont enfin mis l’accent sur la nécessité de s’occuper correctement de la douleur des patients.

Mais l’esprit de lutte contre la douleur l’emporte hélas souvent sur l’accompagnement psychologique. Lutter contre la douleur c’est une chose, rencontrer le patient dans ses ressentis en est une autre. Lutter ou s’ouvrir ne procèdent pas du même état d’esprit… or on est plus souvent doué pour le premier que pour le second !

J’entends tant de soignants s’inquiéter «S’il me dit qu’il a peur de mourir, je ne sais pas quoi lui répondre!» Naturellement il n’y a rien à répondre, mais à aider l’expression de cette peur.

La reformulation vient à point : si en plus des mots l’écouté exprime une grande peur en non verbal, l’écoutant verbalisera «La mort vous fait très peur?» avec ce qu’il faut de délicatesse, de reconnaissance, d’affirmation et d’interrogation dans le ton, ainsi que je l’ai précisé plus haut dans cet article. Puis face à l’affirmative de l’écouté, l’écoutant poursuivra avec une question: «Qu’est-ce qui vous fait le plus peur dans la mort?».

Pour énoncer cette reformulation, puis ensuite poser cette question, l’écoutant doit avoir pour projet d’entendre cette peur et non de la calmer. C’est cela qui sera apaisant!

Quand le projet est de combattre cette peur, plutôt que de l’entendre, alors elle ne sera jamais calmée, et en plus s’y ajoutera l’amer sentiment que l’écoutant ne peut rien comprendre… qu’il vaut mieux se taire. Dans ce cas il n’y a plus d’accompagnement et le patient en fin de vie sera seul, seul, seul ! 

Lire aussi sur ce site l'article de mai 2001 Personnes âgées d'avril 2003 Humaniser la fin de vie, d'aout 2007 Bientraitance.

Dans le Management

J’ai déjà évoqué ce sujet dans mon article La bonne distance dans le management. Quand un cadre ou un directeur s’adresse à un collaborateur, son projet devrait être de le motiver et d’optimiser les protocoles afin d’atteindre les objectifs fixés. Pour y parvenir, il est maladroit de chercher à convaincre, car cela produit l’effet inverse et conduit à des protocoles inadaptés (voir sur ce site mon article de juin 2002 : le danger de convaincre).

Ici encore la reformulation tiendra une place importante. Nous prendrons soin d’exclure tout esprit de «technique de reformulation», si souvent enseignée dans le domaine du management. Considérer la reformulation comme une technique conduit à devenir une sorte de manipulateur, dont chacun finira par se méfier…  ou par se moquer.

Si, recevant une tâche supplémentaire, un collaborateur dit «Je ne vais jamais y arriver!» avec un non verbal exaspéré, le cadre ou le directeur devra lui reformuler «Vous pensez que cela n’est pas possible?» avec un non verbal montrant qu’il souhaite vraiment découvrir pour quelle raison ce n’est pas possible!

Si par exemple la raison évoquée est un manque de temps, l’écoutant s’ouvre d’abord à cette raison. Puis après l’avoir validée, il fait part à l’écouté de ce qu’il attendait. Il lui demande ensuite «comment, à votre avis, pourrait-on faire, compte tenu d’une part de cet objectif, et d’autre part du manque de temps?». Nous sommes là au cœur des ressources humaines (valider la ressource de l’autre) que nous prendrons soin de différencier de la notion destructrice de «matériaux humains».

Le collaborateur optimisera souvent la situation… bien plus efficacement que si l’on avait tenté de  l’intimider ou de le convaincre (convaincre c’est détruire).

Naturellement tout cela ne remet pas en cause le fait d’avoir des objectifs, des résultats, des projets, des exigences… mais cela permet de rester collé à la réalité, de bâtir des prévisionnels réalistes et d’avoir de vrais collaborateurs.

La reformulation fait partie d’un ensemble

D’abord portée par un état d’esprit

La reformulation ne peut donc se résumer à une sorte de technique de communication. Elle procède d’abord d’une façon de considérer l’autre et certainement aussi d’une façon de se considérer soi-même. En effet il est difficile d’avoir de la considération pour autrui si on n’en a pas pour soi. Pour en savoir plus sur ce sujet, vous pouvez lire sur ce site l’article de mars 2001 Un quelqu’un en habit de personne et celui de novembre 2001 Stress et mieux-être.

Les mots et le non verbal émergent naturellement de cet état d’esprit. Ce n’est pas quelque chose qui s’applique, mais le prolongement naturel d’un état d’être.

Les points clés

La reformulation se prépare avec les points 1, 2, 3 et 4, puis elle s’exprime au point 5. Les points 6 et 7 la prolongent si nécessaire.

1/ Etre attentif à l’écouté, à son non verbal autant qu’aux mots qu’il prononce (la reformulation met aussi des mots sur le non verbal).

2/ Etre communiquant, c'est-à-dire avoir une attitude dans laquelle l’individu compte plus que l’information (alors que dans la relation l’information compte plus que l’individu).

3/ Avoir pour projet initial de comprendre et de considérer l’écouté.

4/ Lui accorder inconditionnellement qu’il a une raison à ses réactions ou à sa verbalisation (confiance).

5/ Etre prêt à valider cette raison.

6/ L’aider, si besoin, à l’exprimer plus précisément (ou même à y accéder car elle n’est pas toujours directement présente à la conscience).

7/ Ensuite apporter les informations nécessaires s’il y a lieu;

 

Et aussi…

La reformulation se situe dans un ensemble dont on ne peut l’extraire. Toujours, elle se produira accompagnée de l’état d’esprit rappelé ci-dessus et évoqué tout au long de l’article. Souvent, elle se situera au milieu d’un ensemble  de questions ouvertes, de questions fermées, de validations (il y en a 5 types)  et d’affirmations (informations proposées par l’écoutant dans certains cas).

Nous avons vu que la reformulation est un type particulier de question fermée (une phrase affirmative avec un non verbal légèrement interrogatif) appelant un positionnement «oui ou non».

Toutes ces questions, ouvertes ou fermées et toutes ces reformulations appellent donc des réponses (qui ne sont pas dues à l’écoutant) et qui doivent être suivie des 4 premiers points de validation (feed-back) que sont:  
1/ l’accusé de réception, qui valide la réception.  
2/ le message de compréhension, qui valide la compréhension. 
3/ le message d’accueil, qui valide l'accueil (c'est à dire l'acceptation qu'il y a une raison).
4/ le message de gratitude, qui valide le fait que la réponse est un privilège qui ne nous était pas dû.
Le tout est éventuellement suivi du 5e point de validation qui est le message de cohérence venant confirmer la validation de la raison de l’interlocuteur.

Pour plus de détails sur cet ensemble essentiel, fondant la communication, je vous invite à lire sur ce site le dossier Communication , l’article  de septembre 2001 sur l'Assertivité et celui d'avril 2001 sur le Non-savoir source de compétence.

Cet ensemble permet, dans l’approche thérapeutique d’offrir à un patient ce que j’appelle le guidage non directif où l’écoutant guide l’écouté afin que celui-ci accède à sa raison (à la source de son ressenti). L’écoutant accomplit ce guidage en acceptant de ne jamais connaître la direction. Il le fait en acceptant de ne pas savoir à la place de l’écouté, qui lui seul dispose des informations qui sont en lui.

Pour oser l’écoute

Quand il s’agit de thérapie, aboutir à la raison ne suffit pas. Il reste à accomplir la réhabilitation de la zone de vie blessée chez l’écouté.

Attention, même quand la circonstance de vie de cette zone blessée est horrible, il s’y trouve un élément infiniment précieux: celui qu’était l’écouté à ce moment là. Au moment où il a vécu la circonstance, l’écouté reste précieux, même si la circonstance est cataclysmique.

Il faut absolument comprendre qu’aller vers la raison ne signifie pas retourner vers une circonstance passée, mais vers celui qui l’a vécue!

Ceci est un élément fondateur pour que l’écoutant ose s’ouvrir à son interlocuteur.

Trop souvent l’écoutant a peur d’entendre la raison car il craint une révélation pénible… Il craint cela parce qu’il ne sait distinguer la différence entre la circonstance (horrible) vécue par l’écouté et l’écouté lui-même (précieux), quand il était dans cette circonstance.

Pour oser l’écoute et oser la reformulation qui ouvre le chemin vers la raison intime de l’écouté, l’écoutant doit comprendre qu’il s’ouvre à son interlocuteur (potentiellement à tous ceux qu’il a été au cours de son existence) et non aux circonstances qu’il a vécues.

La finalité, c’est l’individu, 
ce ne sont pas les circonstances historiques. 
Même si ces circonstances doivent tout de même être entendues et considérées, 
elles ne sont en aucun cas la finalité de l’écoute.

 

Je vous remercie pour l'attention 
que vous avez consacrée à cet article.

Celui-ci aura peut-être modestement contribué 
à la qualité de communication que vous souhaitez.

Thierry TOURNEBISE

D'importantes précisions psychologiques soutenant l'idée de reformulation telle qu'elle est évoquée ci-dessus se trouvent dans la publication de  septembre 2008 sur la "Validation existentielle"

Autres articles en lien avec celui-ci
le danger de convaincre
Assertivité
Non-savoir source de compétence

Un quelqu’un en habit de personne
le piège de l’empathie
La bonne distance dans le management

 

Définition de mots 
( Dictionnaire Le petit Robert)

Ersatz

• v. 1914, répandu 1939; mot all. « remplacement ».  

1 Anciennement Produit alimentaire qui en remplace un autre de qualité supérieure, devenu rare.  succédané. Ersatz de café.  

2 Fig. et vieilli Ce qui remplace (qqch. ou qqn) en moins bien.

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