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Mieux comprendre la Psychose
Une surprenante modification de conscience

Octobre 2012    -    © copyright Thierry TOURNEBISE

 

D’un côté les névroses, de l’autre les psychoses. Les différencier clairement est évident en termes de gravité, mais il n’est pas si facile d’énoncer la  nature précise de ces phénomènes en termes de troubles psychiques. De la sémiologie énonçant des symptômes à l’étiologie étudiant les causes, en passant par une description exacte de ce que sont ces pathologies… il est souvent délicat de trouver des données suffisamment explicites.

Ces quelques lignes vont tenter d’apporter sinon des éclaircissements, au moins de nouvelles possibilités de considérer le trouble psychotique, de le démystifier, de permettre aux praticiens d’avoir en la matière une écoute plus profonde, plus ouverte, face aux patients qui sont ainsi diagnostiqués. Cela peut même venir nuancer les diagnostics et la nature envisagée de la pathologie ici considérée.

Les apports du Dr Henri Grivois sur ce thème sont d’une grande importance  et je m’y réfèrerai très souvent tout au cours de cet article, rendant hommage à son travail, qu’il est essentiel de connaître. Il est psychiatre spécialiste de cette pathologie. Né en 1933, Il a dirigé les urgences psychiatriques de l’Hôtel Dieu pendant plus de trente ans et publié plusieurs ouvrages destinés au grand public, mais aussi et surtout à ses confrères, aux praticiens susceptibles de venir en aide à ces patients

 

Sommaire

1 Névrose… le choix de la pertinence
-Paradigme différent
-Notion de projet pertinent
-Spécialement pour
-L’expérience clinique
-Névrose et psychose

2 Psychose… ce que l’on sait aujourd’hui
-Maladie des nerfs et maladie de la psyché
-Partir de peu
-Monde extérieur et monde intérieur
-Clivage du moi ou disparition
du moi ?

3 Hallucinations et confusions
-Le silence et la parole
-Ni confusion, ni incohérence

4 La notion de concernement
-Histoire de ce mot
-Définition

5 Le moi et le Soi
-L’enveloppe égotique -Une expérience indicible
-Le Soi élargi

6 L’écoute des psychotiques
-Le praticien quitte le silence
-Les patients psychotiques quittent le silence
-Echanges

7 La dimension du concernement
-
Dimension
-Le concernement et l’état communicant

8 Un regard différent
-La lucidité du psychotique
-Un contact différent avec-soi-même
-De nouvelles possibilités d’accompagnement

Bibliographie

 

Avant d’aborder la psychose, commençons par quelques rappels concernant la névrose, ce qui la constitue, et la façon dont nous pouvons aborder un patient qui en souffre.

Là aussi quelques éléments majeurs sont à considérer. Ils nous aideront ensuite à comprendre les nuances de la psychose avec les spécificités qui lui sont propres, et à mieux saisir les différences dont il faut tenir compte. Il s’agit de deux souffrances psychiques quasiment opposées, où pourtant nous avons dans les deux cas une dimension ontique (existentielle) exceptionnelle.

1   Névroses… le choix de la pertinence

1.1Paradigme différent

L’approche maïeusthésique décrite dans ce site s’appuie sur la notion de pertinence présente chez les patients souffrant de troubles psychologiques.  La confiance en le fait que ce qui se passe en eux comporte de la justesse est un point majeur.

L’habitude en psychologie est hélas de penser qu’un être souffre d’un trouble psychique présent à cause d’un trauma passé (les patriciens cherchent alors assidument ce trauma pour l’en libérer). Or, cette façon de considérer la psychopathologie, si elle n’est pas tout à fait fausse, est loin d’être totalement vraie. Il est vrai que s’il n’y avait pas eu d’événement douloureux il n’y aurait pas eu de trauma, et que s’il n’y avait pas eu de trauma, il n’y  aurait pas aujourd’hui de psychopathologie. Cela est sans doute juste. Mais ce qui est faux c’est de raisonner en termes de cause et de conséquence, car ce qui crée le symptôme semble être d’un autre ordre.

1.2Notion de projet pertinent

Si l’on est attentif à ce qui se passe cliniquement chez le patient, on peut tout aussi bien considérer que le symptôme qui se manifeste chez lui n’est aucunement la conséquence du trauma, mais joue un rôle essentiel : il permet au patient de garder un lien avec une part de soi dont il s’est coupé.  Au plus profond de lui, une « pulsion de survie » a mis à distance celui qu’il a été lors de la blessure pour ne pas être envahi par sa souffrance non intégrable.

(Voir sur ce site la publication de juin 2011 « Symptômes »)

Processus : Quand nous éprouvons un impact insurmontable, « nous » mettons de côté celui que nous sommes à un moment donné (survie) afin qu’ultérieurement nous ne soyons pas envahis par son trauma. Ce fractionnement de la psyché génère toutefois un manque de soi. Compte tenu de la maturité qui nous manque encore pour réaliser une intégration, cette perte de soi est cependant préférable (du moins temporairement) à un envahissement qui pourrait fortement nous altérer. La psyché n’est alors plus communicante (ouverte) avec cette part d’elle-même dont elle se coupe. Cette fracture se réalise avec justesse, afin de poursuivre plus aisément notre maturation. Les symptômes psy apparaissent ultérieurement pour tenter de rétablir un état communicant (ouverture) avec cette part de soi évincée. Ils favorisent ainsi la possibilité d’intégration qui permettra d’aboutir à une plus grande complétude, à un plus d’être, avec une présence au monde plus vaste, plus assurée, mieux sécurisée.

1.3Spécialement pour

D’une part aucun événement n’est un trauma en soi : le trauma c’est la façon dont on le vit (et nous le vivons comme nous pouvons compte tenu de notre maturité du moment). D’autre part, quand la maturité présente ne permet pas d’intégration, sitôt cette « mise à l’écart d’une part de soi », un projet de réhabilitation  s’enclenche (pulsion existentielle, ou « pulsion de vie »). Ultérieurement, à cet effet, se produiront des symptômes (des signes) afin de retrouver notre complétude.

Ainsi, le symptôme n’apparaît pas à cause du trauma, mais spécialement pour permettre l’accomplissement d’une retrouvaille avec soi-même. De ce fait cela change complètement l’approche du praticien qui désormais ne tente plus d’extraire un mal, mais de réintégrer un précieux élément de sa psyché.

1.4L’expérience clinique

Il ne s’agit pas là de prétendre énoncer une vérité absolue, mais plus modestement de rendre compte d’une expérience clinique aboutissant à des résultats signifiants et durables. Ces résultats sont réguliers avec les différents patients rencontrés, et se produisent le plus souvent en peu de séances.

Au-delà de la certitude d’une vérité quelconque sur les mécanismes psychiques, nous pourrons prudemment dire que « tout se passe comme si les enjeux étaient de ce type ». Le point essentiel est ici un changement de paradigme concernant le fait de chercher « en quoi ce qui se passe est-il juste ? » pour en accompagner la réalisation, et non de se demander « qu’est-ce qui ne va pas ? » pour le combattre. Au-delà des querelles théoriques, nous retiendrons principalement ce qui permet d’apporter un accompagnement signifiant (tout le reste n’est que stérile spéculation).

1.5Névroses et psychoses

L’approche décrite ci-dessus faisant ses preuves dans ce qu’on nomme névrose, il est juste de se demander ce qui peut être fait en cas de psychose. Comme nous allons le voir ces situations psychopathologiques ne sont pas du même ordre.

Il est remarquable de constater les immenses apports du Dr Henri Grivois concernant l’accompagnement des psychotiques en situation de psychose naissante. Nous pouvons surtout apprécier à quel point il mise aussi sur la  justesse, sur la confiance, sur le fait d’être touché et sur la notion de dimension existentielle de l’expérience du psychotique. Il distingue notamment un « manque de soi » dans la névrose et un « trop de soi » dans la psychose.

Là encore, au-delà des théories ou des vérités supposées, ce qui compte c’est la qualité des accompagnements réalisés... et les résultats obtenus. Nous trouvons avec le Dr Grivois une approche parfaitement harmonisée avec ce que nous mettons en œuvre  en maïeusthésie. Naturellement je ne me permettrais pas d’assimiler son approche à la maïeusthésie. Par respect pour son travail, je ne fais que lui rendre hommage et les analogies que je soulèverai ne doivent être considérées que comme un modeste éclairage à l’intention des praticiens.

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2   Psychose… ce que l’on sait aujourd’hui

2.1Maladie des nerfs et maladie de la psyché

A l’origine le terme névrose signifie étymologiquement « maladie des nerfs » et le terme psychose « maladie de la psyché ». Or il se trouve aujourd’hui que les névroses sont souvent traitées par la psychothérapie (comme un trouble psychique), alors que les psychoses sont souvent traitées chimiquement par la psychiatrie (comme un trouble biologique). Nous avons là une sorte d’inversion de la proposition initiale biologique/psychologique.

Nous savons empiriquement que la psychose est un trouble plus grave que la névrose. Les ouvrages de psychopathologie semblent le confirmer, l’expérience clinique aussi. Alors les psychothérapeutes ne s’y risquent pas trop, laissant ce soin à la psychiatrie… même si des psychologues comme Jean Pierre Charretier font exception, et proposent une approche de cette pathologie et un soin psychothérapique des patients qui  en souffrent (2003).

Dans les lignes qui vont suivre, nous verrons comment la psychose peut aussi être considérée comme un trouble plus psychique que biologique… et ainsi justifier de nouveau son appellation.

2.2Partir de peu

Nous pensons la psychiatrie bien équipée face à la psychose, d’autant plus qu’elle en a le monopole du soin, du fait que l’accès par la psychothérapie ne semble pas adéquat. La chimie vient au secours des praticiens avec des « antipsychotiques » qui semblent endiguer certains symptômes. Pourtant le psychiatre Henri Grivois nous dit au sujet de ces médications :

« Même si leur action sur quelques symptômes est indéniable, ils ne sont pas antipsychotiques comme le prétendent leurs fabricants » (2012, p.184)

Nous pensons les avancées psychiatriques tout de même signifiantes par d’autres biais, mais il ajoute :

« … la médecine se réforme au rythme de véritables découvertes. La psychiatrie, elle, ne découvrant rien depuis sa naissance, décrit, classe, ne jette rien et garde tout » (2012. p.77).

« Toujours est-il qu’ils ont fait appel au trésor sémiologique capitalisé auprès de leurs incurables. Cette banque de données a constitué l’essentiel du vocabulaire psychiatrique » (2001, p.17).

« Après deux siècles de psychiatrie, la psychose reste un mystère planté au cœur de l’espèce humaine » (2012. p102).

Ces observations ne sont pas sans conséquences. Si les diagnostics sont mal fondés, ils peuvent engendrer les troubles qu’ils prétendent décrire, comme le fait remarquer le psychiatre Jean Maisondieu, (initiateur de la thérapie familiale systémique et auteur de plusieurs ouvrages sur la démence de type Alzheimer) :

« Si on se contente de penser en termes de maladie, on ne peut plus creuser qu’un seul sillon étiologique » (2001, p.16) car « Le dément est considéré comme un insensé avant même d’ouvrir la bouche ». (p.69). Reprenant les mots d’Albert Einstein, il nous rappelle que « C’est la théorie qui décide ce que nous sommes en mesure d’observer » (p.52).

« Pour que le pronostic de la démence change et qu’un espoir naisse, un préalable s’impose, la destruction du sarcophage nosologique dans lequel est enfermé, comme une momie, le sujet dément. » (ibid, p38).

« La première chose à faire est de détruire la définition [sémiologique] ; à elle seule elle est capable de fabriquer tout ou partie de la symptomatologie dont elle est sensée rendre compte […] Le mécanisme de démobilisation des soignants et d’induction de la chronicité/irréversibilité est remarquablement efficace. Il aboutit à terme à la validation de la définition. Il auto-entretient la maladie dans le cadre qui a été fixé » (ibid, p.56).

Henri Grivois est un chercheur, un praticien chevronné, dévoué à ses patients, prêt à de nouvelles découvertes. Nous verrons plus loin ses apports conséquents. Cette étonnante carence de la psychiatrie ne signifie en aucun cas que les praticiens manquent de sérieux ou de dévouement. Ils font au mieux avec le matériau disponible. Il ajoute :

« Je ne suis pas devenu un pénitent de la psychiatrie et ne néglige ni l’examen, ni la chimiothérapie ni, le cas échéant, la contrainte. Je n’ai eu de cesse durant les années passées à l’Hôtel-Dieu, d’approfondir une autre approche. » (2001, p.145).

Henri Grivois et Jean Maisondieu ne sont pas les seuls praticiens de la profession à énoncer ces doutes. Venant corroborer ces propos, le Dr Antoine Pelissolo, psychiatre à la Pitié Salpêtrière et professeur à Paris VI, nous interpelle dans une publication sur la psychopathologie :

« Il n’existe à ce jour aucune certitude sur l’origine précise des affections en psychiatrie. Ceci empêche de les classer comme on le fait en infectiologie […] deux voies sont alors possibles : soit s’appuyer sur des modèles théoriques ou des hypothèses explicatives, soit tenter une approche purement descriptive reposant sur l’observation des symptômes et pas du tout sur leurs causes présumées ». (Les grands dossiers n°20 « Les troubles mentaux » -Sciences Humaines, 2010, p.18).

Il ne s’agit surtout pas de soulever une polémique venant attaquer les praticiens qui font pour le mieux avec ce dont ils disposent, mais d’être constructif, et si possible de leur apporter ce qu’ils attendent pour compléter des prises en charge à la hauteur de la qualité professionnelle qu’ils souhaitent mettre en œuvre. C’est en ce sens qu’il convient de comprendre ce que nous dit Henri Grivois concernant les psychotiques  quand il se désole d’un manque de solidité des fondements en psychopathologie pour rendre compte de leur état :

« En France et surtout  à Paris, le chemin qui menait vers eux se résumait en dogmes universitaires et psychanalytiques bâtis en termes abstraits et impressionnistes » (2012, p105).

« C’est la fameuse structure psychotique. Comment dépolluer la psychose d’une idée si sommaire et si peu argumentée. » (ibid. p.186).

« Les psychiatres à force de découper les psychoses en symptômes, ignorent ce qui engendre et relie ces symptômes. Ainsi dans ce carcan sémiologique les recherches les plus détaillées restent-elles les plus stériles » (ibid. p.187).

« Je ne caricature pas cette psychiatrie par ouï-dire, je l’ai pratiquée durant des années » (2007, p.166).

« Cinquante ans après leur découverte, […] les psychiatre s’extasient encore sur les médications dont ils disposent.[…] Elles soulagent, au coup par coup, l’angoisse, l’agitation et l’insomnie. Elles sont brillantes, rapides mais superficielles. Elles réduisent certes l’agitation, mais elles abaissent le seuil de réflexion. Elles facilitent à ce titre le développement des thématiques délirantes. […] Telle fut durant vingt ans ma façon d’accueillir et de traiter mes patients. J’ai pratiqué et enseigné cette psychiatrie, ses classifications traditionnelles et sa pharmacopée. » (2001, p143).

Cela l’a conduit vers un regard particulièrement profond et novateur concernant les patients souffrant de cette affection, se rendant à l’évidence que l’essentiel restait à découvrir et que rien encore de suffisamment fondamental n’avait jusqu’alors été découvert pour les accompagner vraiment.

2.3Monde extérieur et intérieur

Selon Catherine Chabert  (Traité de psychopathologie de l’adulte « Les névroses » Dunod 2008, p 379-380) nous trouvons trois types de psychopathologies en corrélation  avec trois types de rapports à la réalité (trois façons de gérer le monde intérieur par rapport au monde extérieur). Sans toutefois en décrire la source (étiologie), nous remarquerons ainsi trois façons d’aborder le monde, trois processus psychiques différents. La différence entre « psychose », « névrose » et « border line » semble ainsi pouvoir être nommée simplement par le rapport que le sujet entretient avec son environnement (éléments qui seront plus loin remis en cause) :

Névroses : La réalité intérieure vient compenser la réalité extérieure quand celle-ci n’est pas gérable. Le névrotique ajuste sa perception extérieure en fonction de ses perceptions intérieures. Marqué par une circonstance, par un vécu douloureux, cela induira ultérieurement, pour lui, une sensation de souffrance dans des situations analogues qu’il devra compenser. La perception intérieure prime sur la réalité extérieure qui, quoique dénaturée, existe toujours comme étant extérieure.

Psychoses : La réalité intérieure vient remplacer la réalité extérieure, qui alors disparaît au profit de ce qu’on croit percevoir (de type hallucination). Le monde extérieur n’est pas perçu réellement. Il s’y substitue une projection extérieure des réalités intérieures. L’individu ne franchit pas le pas vers la réalité extérieure. Il prend ce qui est intérieur pour ce qui est extérieur.

Etats limites : La réalité extérieure vient compenser l’absence de réalité intérieure. Nous trouvons ici l’inverse du processus observé dans la psychose. La sensation de vide intérieur lui étant insupportable, le sujet essai de le « remplir » par le monde extérieur. N’ayant pas d’existence intérieure, il éprouve un vide qu’il tente de « combler » (mais ne fera que compenser) par les stimulations extérieures. Nous trouverons là, par exemple, les vulnérabilités à l’addiction.

(Extrait de la publication d’avril 2008 sur ce site « Psychopathologie »)

Pourtant, nous le verrons, cette notion concernant les hallucinations n’est peut-être pas juste, y compris cette idée de « non perception du monde extérieur »… c’est peut-être même totalement le contraire.

2.4Clivage ou disparition du moi ?

Autre élément majeur en psychiatrie et en psychanalyse : le clivage du moi* semble être à l’origine des états psychotiques. Or il n’est pas certain qu’un tel clivage soit présent dans cette psychopathologie, ou du moins qu’on doive parler en ces termes de ce qui arrive au moi.

En maïeusthésie, nous envisageons par contre  un clivage du Soi* présent dans les troubles psychiques névrotiques : des parts de soi sont séparées de la psyché pour raison de survie. Cela conduit à un manque d’être, à un manque de Soi. Les symptômes sont alors des moyens pertinents de restauration de ces parts de soi, en vue de retrouver son intégrité. Ce sont des liens (relations) venant compenser des états communicants intérieurs manqués au cœur de sa propre psyché. Mais ce clivage là n’a rien de psychotique et la notion de « clivage du moi » reste un peu obscure. De plus, chez le psychotique, il semble plus y avoir une notion d’extension qu’une notion de partition… mais qu’en est-il du moi ?… à supposer qu’on sache déjà clairement définir ce qu’est le moi et qu’on le distingue sans ambigüité du Soi !

*Voir publication de novembre 2005 « Le ça, le moi, le surmoi et le Soi ».

Pour faire court nous dirons que le moi est l’ego, le personnage, « ce que l’on joue dans sa vie sociale » pour s’en sortir, se situer, agir, profiter, se protéger…  et le Soi est « qui l’on est » déjà plus ou moins accompli ou potentiellement en cours d’individuation, permettant une vraie rencontre des autres. On pourrait dire que le moi  est du paraître (avec des composantes libidinales), et que le Soi est de l’être (avec des composantes existentielles ou ontiques*).

* Voir aussi  la publication d’octobre 2008 « Abraham Maslow »   au chapitre  4 concernant les besoins ontiques  

Si l’on considère les cas évoqués par le Dr Henri Grivois, on pourrait plutôt parler d’« absence du moi » ou de « disparition du moi » ou de « déconstruction d’un moi » et non pas de clivage de celui-ci. Il en fait d’une sorte d’« extension du Soi » qu’on ne sait plus délimiter.

« Derrière cette sorte d’indifférence se dessine à la fois leur lien à chacun et leur lien à tous les hommes » (2007, p.88).

« Le je divisé ou multiplié n’a pas d’existence distincte » (Grivois 2001, p.103).

Le sujet ne peut dire ni « je », ni « toi », ni « vous », ni « on » avec tranquillité ou assurance. Les questions qui comportent ces mots le condamnent au silence. Il est perdu et il ne sait plus s’il est lui, s’il est l’autre, s’il est tous les autres, si tous les autres sont  lui, en termes de « qui est source des actes et des pensées ». Il semble perdu dans une vastitude innommable, subjectivement bien réelle, mais indicible (pas de mots prévus dans notre langage pour dire une telle chose) et inentendable (pas de conscience en face assez ouverte pour tenter de le comprendre, de l’appréhender).

Cette observation semble accréditer un égo, un moi qui disparait (et non un moi qui se clive)… et un Soi qui s’étend. Henri Grivois nous dit remarquer que dans une situation de névrose il est éprouvé une sorte de « non existence de soi » et qu’en situation de psychose c’est le contraire : Il est éprouvé « un trop d’être, un trop d’existence » (en tout cas trop par rapport à ce que le patient peut en appréhender avec ce dont  il dispose).

« L’individu reste le même mais il est en surcharge d’être » (2007, p.195-196)

Nous remarquons combien cette façon de décrire la situation du névrotique avec « non existence de soi » trouve un écho par rapport au regard maïeusthésique sur la psyché, où effectivement le Soi est en fractionnement (par survie), induisant un manque de Soi, avec ensuite des symptômes qui initialisent une réintégration de ces éléments séparés pour s’accomplir, pour aboutir à plus de complétude.

Nous pouvons aussi parfaitement entendre la situation du psychotique qui au contraire se retrouve en « trop d’être » (je dirai « trop de Soi ») et qui se sent perdu  dans une expérience hors du commun, qui est hélas regardée trop exclusivement par le biais pathologique, mais pas suffisamment avec la qualité de cette dimension où  le Soi n’est plus individualisé.

Tout se passe comme s’il avait accès à une conscience qui échappe aux êtres dits « sains d’esprit », percevant désormais à quel point les êtres sont reliés entre eux au niveau de toute l’espèce… mais ici le mot « relié » ne convient pas, c’est bien plus que ça ! Peut-être le terme « connecté entre eux » conviendrait un peu mieux, mais pas vraiment non plus. Alors « en contact entre eux » ? Pourrions-nous dire « concernés entre eux » ?... d’où l’idée de « concernement »… faute de meilleure dénomination, cela sonne assez juste (cette notion sera développée au chapitre 4).  

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3   Hallucinations et confusions

3.1Le silence et la parole

Il est habituel de poser le diagnostic avec d’autant plus de certitudes qu’il y a des hallucinations. Quand les causes chimiques ou biologiques ont été écartées par investigation médicale (intoxication, anoxie, hypoglycémie… et.) les hallucinations semblent signifier le diagnostic d’« état psychotique ».

Or, cliniquement, un psychotique au départ ne parle pas. Souvent, quand il est reçu en institution, un temps d’isolement le maintiendra dans ce silence… jusqu’à ce qu’il parle… Puis quand il se met à parler, s’il délire, le diagnostic peut être établi (et ce délire est interprété comme une hallucination).

Les propos semblent incohérents « je suis toute l’humanité », « tous les êtres me surveillent », « les autre sont moi… ». Naturellement, ces propos ne peuvent satisfaire notre entendement habituel et ne semblent pas décrire une quelconque réalité objectivable.

Il arrive un moment où le psychotique éprouve le besoin de dire sous la pression de l’environnement soignant, qui implicitement attend cela pour diagnostiquer. Or, s’il est naturel qu’un être humain, quand il vit quelque chose de fort, ait besoin à un moment où à un autre de partager son expérience avec autrui… il se trouve que l’expérience du psychotique n’est pas partageable, et nous avons là l’origine de son silence initial qui n’a rien à voir avec une quelconque confusion. La mise en  mots n’en est pas aisée, voire quasi impossible.

3.2Ni confusion, ni incohérence

Vu le contenu des propos, la tendance est de considérer ce qui est exprimé comme incohérent ou confus. Or le Dr Grivois est formel :  

« Ils ne sont pas désorientés, ils savent qu’ils ont affaire à des médecins. Ils ne sont pas confus et c’est fondamental. […] rien de ce qui relève des fonctions cognitives n’est atteint » (2012, p109).

Ce ne sont, de son point de vue, en aucun cas des sujets atteints de troubles cognitifs. Certes les propos du patient semblent passer d’un sujet à l’autre, apparemment sans rapports entre eux, mais Henri Grivois insiste :  

« Ces coq à l’âne n’apparaissent pas cohérents, certes, mais sont-ils pour autant incohérents ? » (ibid. p.162).

En effet, la prudence voudrait que nous ayons la précaution de ne pas parler d’incohérence sous prétexte que nous ne voyons pas de cohérence. Une telle attitude serait ainsi à la fois plus rigoureuse (on pourrait même dire plus scientifique, dans le sens le plus noble de ce terme) et plus respectueuse. Elle nous épargnerait le risque de passer à côté de quelque chose d’important se passant chez le patient.

Remarque : Cette attitude d’ouverture à ce qui se passe d’inattendu chez un patient est habituelle en maïeusthésie, où le praticien est rompu au fait d’être explorateur et révélateur du sens et non « traqueur d’erreur et de non sens ».

Il se trouve que les psychotiques tentent de nommer l’innommable, et pour le faire s’embrouillent dans des verbalisations indécodables pour un interlocuteur praticien qui n’ouvre pas suffisamment son champ d’investigation et qui reste dans le paradigme du délire.

« Cette expérience là, le patient s’épuisera à la réduire et pour finir, en la masquant dans un récit d’allure raisonnable, il y perdra la raison pour de bon. » (2007, p.83) Le diagnostic de « rationalisme morbide » qui en découle trop souvent pour le praticien, n’éclaire absolument rien !

Le présupposé d’incohérence et de non guérison probable attribué au psychotique conduit le praticien à s’adresser au patient avec l’idée d’un projet de réinsertion (rendue possible grâce à la pharmacologie). Malgré cette bonne volonté, Henri Grivois relève qu’il y a, même là, un involontaire manque de respect.

« Le manque de respect est là : il consiste à ne pas s’adresser d’emblée aux patients en véritable patients, en partenaires, mais en futurs infirmes » (ibid, p.69)

Son confrère psychiatre Jean Maisondieu n’est pas si loin de ce constat quand il énonce :

« Les soignants, s’ils obéissaient à leur vocation première qui est de fournir des soins susceptibles de guérir les déments*, mettraient en danger la notion d’incurabilité associée à cette maladie » (Maisondieu, 2001 p.73).

*Le mot « dément » est ici utilisé pour évoquer la démence sénile. La psychiatrie parlera de schizophrénie pour désigner ce qu’on nommait jadis « démence précoce » chez un jeune, et le terme d’« incohérence » sera plus volontiers utilisé.

« On ne peut rêver de condamnation plus précise que cette irréversibilité programmée dès la définition et inculquée aux médecins pendant leurs études. Par quel aveuglement extraordinaire la communauté scientifique médicale peut-elle entériner une erreur épistémologique aussi grossière ? […] Dire que la démence est irréversible par définition, c’est vouloir qu’elle soit ainsi.» (ibid, p55)

La posture du praticien n’est alors pas simple et, tentant néanmoins de recueillir quelques données sur son patient, il se retrouve un peu piégé. Henri Grivois aboutit à une révélation représentative de ce phénomène :

« Après avoir prescrit une sédation parfois quasiment anesthésique, je notais :"patient silencieux, quelques propos incohérents, n’est pas conscient de son état". C’était en somme à peu de choses près ce qu’aurait pu écrire le patient sur moi. […] Ce fut en gros mon cas pendant presque 10 années. » (Grivois, 2007, p.64)

Il dénonce ici les conclusions du psychiatre un peu comme étant une sorte de projection ordinaire de son propre état, plus que comme la description d’une réalité pathologique. Ce qu’il dit surtout, c’est que ce qui est décrit reflète le même état des deux côtés et que, même s’il ne s’agit pas d’une projection, cela ne précise rien d’important pour comprendre vraiment ce que vit le patient, ni même pour mieux cerner cette pathologie.

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4   La notion de concernement

4.1Histoire de ce mot

La notion de concernement est sans doute un des apports majeurs du Dr Henri Grivois au sujet des psychotiques. Nous devons cependant y ajouter sa façon de leur parler, de les aborder, de les considérer, d’être touché par eux, de les valider, d’avoir confiance dans la pertinence qui les habite, quand bien même celle-ci ne nous apparaît pas… etc.

Ce mot lui a semblé le plus juste pour désigner un phénomène observé chez ces patients. Il s’agit d’un phénomène naturel observé chez tout être humain, sauf que dans le cas des psychotiques il se trouve démesurément amplifié.

L’histoire du choix de ce mot se tient dans la lecture d’un ouvrage :

« "Concernement", j’ai déniché ce mot en 1986 dans La Transparence et l’Obstacle, le livre de Jean Starobinski sur Rousseau. Trouble de la sensibilité morale, "le délire de concernement" dont parle cet auteur serait le propre des personnalités sensitives de la psychiatrie allemande. A ce mot j’ai donné une autre signification. » (2012, p.117)

Pour lui, ce mot va finalement prendre un sens très précis, commode pour désigner un phénomène naturel insuffisamment pris en compte : le fait que tout être humain est concerné par la présence d’autrui, sans même s’en rendre compte.

4.2Définition

Le concernement est un phénomène naturel qui fait que lorsque « un autre » arrive dans notre environnement, même sans qu’on le perçoive consciemment, nous sommes concernés par sa présence (comme il l’est aussi par la nôtre). Dans la rue, les gens sont en concernement, ils ne se voient pas vraiment, ne sont pas en relations… et pourtant ils gèrent leurs déplacement sans se heurter les uns aux autres. Le concernement n’est pas la relation, mais il précède la relation et fait probablement que celle-ci puisse exister.

« Nous sommes concernés les uns par les autres, mais sans données perceptibles […] Le concernement interindividuel n’implique pas  la réciprocité. » (2012, p.117).

Ce phénomène est naturel et commun à tous. Chez le psychotique il prend une dimension spéciale : celui-ci est en concernement avec TOUS les autres (monde entier). Que ceux-ci soient présents ou absents, actuels ou passés, vivants ou défunts, il est en concernement avec tous.

 « Le concernement relève de la psychose lorsque cet homme le vit partout, de façon durable et hors de toute présence humaine » (ibid. p.118).

Habituellement, en situation « normale », il se trouve que notre interindividualité ou notre intersubjectivité nous permettent de nous distinguer des autres tout en étant en concernement avec les personnes présentes ou connues. Pour le psychotique, cette limite ne joue pas et il est en concernement avec le monde en totalité.

Le « concernement » est peut-être étymologiquement lié à l’idée de croissance. Cela peut nous surprendre ! C’est cependant interpellant, ainsi que nous allons le voir au sujet du rôle du moi et du Soi.

Il est à noter que « concerner », selon Ernout-Meillet, se rattacherait à la famille du mot latin « crescere » (croître) et non de « cernere »*.

*Dictionnaire historique de la langue française – Le Robert

Être concerné pourrait donc être en rapport avec la notion de croissance. On dit souvent « être concerné » pour signifier « être touché ». Le concernement hypertrophié chez le psychotique apparaîtrait alors comme une sorte de « crise de croissance », étendant soudain son contact au monde entier, alors que de façon naturelle chez chacun d’entre nous, il ne se révèle qu’en proximité. Pour lui, ce qui est loin ou même absent, devient intime, pour ne pas dire « intriqué » avec lui-même.

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5   Le moi et le Soi

5.1L’enveloppe égotique

Tout se passe comme si le moi (l’ego) nous constituait une sorte d’enveloppe, de limite, nous distinguant des autres. Certes le moi est aussi et surtout le moyen par lequel nous assurons notre survie dans un « univers de proies et de prédateurs » (comme l’hydre avec ses tentacules, selon les propos mêmes de Freud [1985, p55-56]). Le moi gère notre libido (énergie de besoin venant du ça) dans une dynamique de profit, alors que le surmoi vient en réguler les excès pour permettre une vie sociale acceptable. (voir la publication de novembre 2005 « Le ça, le moi, le surmoi et le Soi ») 

Le moi (en tant que paraître) vient aussi compenser utilement un manque de Soi et assure le rôle d’une bienveillante prothèse à celui dont l’individuation est encore insuffisante.

Nous retiendrons surtout ici la notion d’enveloppe que représente le moi. Le Dr Didier Anzieu avec son concept de « moi peau » évoque l’idée de frontière entre le « moi » et le « non moi » (1993, p.22). Mais il réduit ce moi à un « sac » (p.28). Quoi qu’il en soit, cette « enveloppe » assure non seulement une protection mais aussi une limite entre l’extérieur et l’intérieur. La peau est une limite physique, le moi est une limite psychique.

Cependant la métaphore, comme le sont toujours les métaphores, est imparfaite : alors qu’il est impossible de vivre sans peau physique (bien évidemment elle est un organe essentiel), il est moins impossible de vivre sans le moi (sorte de peau psychique). C’est cependant très difficile, très inconfortable, et cette indifférenciation dans laquelle se trouve le psychotique est plus que déroutante (pour lui-même, et pour tous ceux à qui il tente d’expliquer ce qu’il vit).

5.2Une expérience indicible

Le Dr Henri Grivois leur rend témoignage à ce sujet :

« Être un autre, cela se dit, mais être l’ensemble des êtres humains, à part les dieux, les poètes et les déments, ça ne se dit guère. Comment un homme intelligent et non confus est-il amené à prononcer ces paroles absurdes ? La majorité des patients, on l’a vu, se taisent. […]  Dire je devient alors problématique. Je, nous et on, ces trois pronoms pour lui se confondent. Dans le concernement psychotique, ni je, ni nous, ni on n’est approprié […] des pensées et des actes dont il n’est plus sujet, dont il n’est plus le seul sujet. » (2012, p.135)

Cet évanouissement de la limite rend l’expérience indicible (car aucun mots ne sont prévus dans notre vocabulaire pour la dire). Rappelons-nous que « rationnel » signifie « qui pense par ratios » (par domaines, par parties, par champs, par proportions, par calculs), c'est-à-dire en fragmentant et en dénombrant l’information. Celui qui ne fait plus de « ratios » et qui « perçoit tout en même temps » quitte la possibilité de « rationalisation », ce qui ne veut pas dire que ce qu’il perçoit, pense et éprouve n’ait pas de sens. Alors, quand il tente de nommer tout cela, il prend le risque de tomber dans des propos inconcevables pour l’intellect, apparemment incohérents. L’intellect (mot qui vient du latin « Inter legere », c’est à dire « choisir, cueillir entre deux ») est ici en situation indécidable. Le psychotique passe alors pour fou et ne peut être entendu à cause de son impossible positionnement. Il se trouve que son expérience est une expérience élargie et qu’il ne peut rien en retrancher. Il est sans doute difficile d’imaginer ce que peut ressentir un être qui éprouve des choses qu’il ne sait pas dire (faute d’outil verbal adapté, hors du champs de l’intellect) et que personne ne sait comprendre (faute de conscience suffisamment ouverte). Il faut bien comprendre que le vécu d’une « surcharge d’être » peine à trouver sa place dans notre vocabulaire et notre entendement.

Le Dr Grivois nous conduit ici à une vision importante concernant le psychotique : son concernement dépasse le concernement habituel des êtres humains. L’enveloppe délimitante propre à chacun lui faisant défaut, le psychotique se retrouve dans un tout dont il est, mais en même temps qui est lui, et qu’il est.

« Je ne suis plus jamais seul, mais je suis seul à l’être » (2007, p.136).

« Je cesse d’exister tellement je suis tout » (ibid. p.110).

« Son expérience est autant une présence qu’une absence au monde humain. Il est dans une extrême solitude malgré le constat de n’être plus jamais seul. Tour à tour terrorisé et jubilant, il ressent ces contradictions, ne parvient pas à les exprimer et craint pour cela de ne pas être entendu. Autant ne rien dire » (ibid. p.113).

« Cette méta-subjectivité tombe à plat dans un monde de sujets » (2001, p.70).

Eprouvant un vécu au delà de l’individu, au-delà du sujet, touchant l’humanité dans son entièreté, il vit une incroyable contradiction de se sentir à la fois si seul et si peu seul.

5.3Le Soi élargi

Les citations d’auteurs qui vont suivre ont pour but de nous sensibiliser à une possibilité d’élargissement de notre entendement. Ils ne reflètent pas forcément ce que signifie le concernement chez le psychotique, mais peuvent nous préparer à nous en approcher.

Tout se passe comme si le sujet psychotique faisait une expérience du Soi élargie. Cela fait penser à l’expression de Gottfried Willem Leibnitz disant que Dieu est comme un cercle dont la circonférence n’est nulle part et le centre partout.

 Dieu a seul une connaissance distincte de tout ; car il en est la source. On a fort bien dit qu’il est comme centre partout ; mais que sa circonférence n’est nulle part, tout lui étant présent immédiatement, sans aucun éloignement de ce centre » (1996, p.231). Nous rappellerons que pour le psychotique ce « tout » reste cependant des « humains » et non d’autres composantes du monde telles que des objets, des animaux au des végétaux)

Cela  nous évoque aussi ce que Carl Gustav Jung nous dit à propos du Soi dont il peine tant à faire passer la subtilité chez ses confrères contemporains :

« Ma conscience est comme un œil  qui embrasse en lui les espaces les plus lointains, mais le non-moi psychique est ce qui, de façon non spatiale emplit cet espace » (Jung, 1973, p.450).

L’inscription antique retrouvée sur le temple de Delphes « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les Dieux » ne témoigne-t-elle pas implicitement d’une telle étendue, sans être psychotique pour autant ?

Nous trouvons une autre situation où des êtres vivent une expérience de ce type : « les expériences de mort imminente » (EMI). Les notions de temps et d’espace y semblent abolies, et la perception s’y retrouve affranchie de ces limitations (tout le temps peut être perçu en même temps, et tout lieu est visible sans parcourir d’espace). Même si rien (ou à peu près rien) ne permet d’étayer de façon objectivable ces récits d’expérience (au demeurant forts nombreux et dans toutes catégories de populations), elles n’en sont pas moins profondément réelles pour les sujets qui les ont vécus, et leurs vies s’en retrouvent transformées à jamais, le plus souvent avec une meilleure capacité à vivre la vie.

(Pour mieux appréhender et assouplir la notion de temps, d’espace, et de dimensions, je vous invite à lire sur ce site la publication de 2009  « De l’espace et du temps » ainsi que « Irrépressible quête d’origine » au chapitre 6 « Origine dimensionnelle des perceptions » -     juillet 2011 )

L’expérience est anhistorique, non factuelle, atemporelle, aspatiale. Il s’agit d’une expérience absolument non objectale, purement existentielle, pourtant sans Sujet défini, mais concernant l’Être plus que tout au monde. C’est pourquoi les praticiens qui s’appuient sur l’histoire, sur les logiques de causalités, sur le moi et sur la libido se retrouvent perdus, ne trouvent pas de sens et décrètent d’emblée la folie (mais ils ne font là que signer leur propre limite face à quelque chose qui se trouve hors de leur champ habituel) :

« Les patients n’expliquent pas le silence. Ils ont le sentiment de n’avoir rien oublié, mais il n’y avait rien à oublier.  Il n’y avait rien à fixer, donc rien à conserver ou à ramener de l’aventure : pas de représentation, rien de comparable au contenu d’un rêve […]  Morts et ressuscités, les patients n’ont rien à raconter »  (Grivois, 2001, p.74).

« Ce "je" pluriel est impossible à recréer ou à cerner dès qu’il n’est plus le vécu de la totalité. On ne peut plus rien en dire à distance sinon, de façon théorique, le désigner comme un mixte ontologique homme-espèce humaine, sans sujet singulier, sans passé, sans références. » (ibid. p.77).

Carl Gustav Jung, Gottfried Willem Leibnitz, le temple de Delphes, les EMI…  naturellement je ne parle là que d’analogies et ne souhaite en aucun cas réduire ces propos et ces expériences les uns aux autres. En effet, les psychotiques ne trouvent généralement pas de tels avantages avec ce qu’ils éprouvent, là est la différence.

Avec l’idée de concernement, nous pouvons aussi envisager le fait que « le corps et les corps » se débrouillent « tous seuls » entre eux à l’aide de leurs neurones miroirs. Ces derniers conduisent à des imitations et ajustements de mouvements à notre insu, qui restent généralement inconscients car se produisant neurologiquement trop vite pour être perçus. Tout se passe comme si le psychotique devenait « hyperconscient » de ce phénomène et que soudain celui-ci passe devant la notion d’individualité et d’auteurs bien défini des actions. Sauf qu’il n’y a ni mots ni concepts pour saisir une telle chose verbalement ou intellectuellement, bien qu’elle soit profondément ressentie (Grivois , 2001, p.92-93).

Je donne d’autant plus volontiers cette précision pour respecter les propos d’Henri Grivois qui précise bien « Je tiens à échapper aux transcendances, non à en créer de  nouvelles » (2001, p.85).

Cependant, on ne peut pas ne pas voir les analogies décrites ci-dessus et on ne peut que se laisser interpeller ici pour améliorer notre qualité d’écoute, afin que celle-ci ne soit aucunement réductrice. A priori et paradigmes restrictifs sur ces considérations pathologiques… interprétations de délires et jugements d’incohérence… : ces postures intellectuelles éloignent trop souvent l’écoutant d’éventuelles pertinences qu’il conviendrait pourtant de ne pas manquer. Actuellement encore, les psychotiques ne sont hélas pas vraiment entendus de cette façon :

« On ne prête guère attention à de telles phrases, sauf pour confirmer l’incohérence des patients » (2012, p.151).

« Ils n’ont aucun support sensoriel, aucune représentation phénoménale […] Cela prend volontiers une tournure métaphysique. Une langue expurgée de toute représentation concrète et qui leur semble naturelle […] ce vocabulaire abstrait ne semblait pas pertinent aux psychiatres pour parler avec les patients. » (2007, p.109).

Que se passe-t-il si on écoute vraiment dès le début les patients suspectés d’être psychotiques ?

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6   L’écoute des psychotiques

6.1Le praticien quitte le silence

La tâche n’est pas habituelle pour le praticien, car telle n’est pas la pratique institutionnalisée :

« Un psychiatre raisonnable en effet ne doit pas se commettre avec un patient incohérent. J’ai ignoré cette consigne, j’ai pris leur silence à bras le corps et j’ai parlé avec eux » (Grivois 2012, p113).

Le mérite revient au Dr Henri Grivois d’avoir osé s’aventurer dans cette voie encore inconnue, se faisant quasiment enseigner (ou au moins recentrer) par ses patients eux-mêmes :

« Ainsi au début, mes patients ne savaient guère plus que moi où je voulais en venir » (ibid. p.112).

« En même temps, face à eux, on a le trac, ils ont quelque chose d’enfantin et de solennel.  Leur maturité métaphysique paraît immatérielle. On se laisse captiver par le sentiment étrange d’être devant un chef-d’œuvre achevé, mais en danger. Parfois ils nous sont si proches que, craignant d’être berné ou séduit, on recule comme pour les préserver de nous » (ibid. p.109)

« Devant eux je reste comme la première fois, aussi stupéfait, aussi émerveillé sinon ébloui. » (1995, p.23).

« …un chef-d’œuvre achevé, mais en danger », « …on recule comme pour les préserver de nous », « …émerveillé sinon ébloui » : des paroles révélant une posture de respect et de considération, d’humilité et de présence, de compétence discrète, laissant augurer une grande qualité du soin psychologique (validation existentielle très présente).

Le praticien quitte alors son silence et se lance dans l’expression du concernement supposé dans le vécu du patient :

« Il se passe quelque chose entre les hommes et vous, les gens s’occupent tous de vous, même s’ils l’ignorent. Oui c’est vrai, ça se passe avec tous les êtres humains et ainsi vivez vous seul l’espèce humaine, vous avez le droit de penser ça. […] à  votre place, je vivrai la même chose et je serais comme vous incapable de l’exprimer » (2012, p.141).

Si le praticien craint de commettre des bévues et de mettre à mal son patient il convient de préciser une posture et une éthique qui y remédient :

Posture vis à vis du patient : « Il doit sentir à tout moment qu’il peut contester et refuser nos paroles et ce qu’elles impliquent […] Il ne faut pas hésiter alors à dire qu’on peut se tromper. Ainsi ne prend-on aucun risque à évoquer leur expérience, son existence et son extension à l’espèce humaine. »  Si l’on est juste, le patient confirme par exemple « Tout le monde, oui c’est exactement ça » (ibid p.142).

Cette posture ne sera efficace que si elle est authentique. Ce n’est en aucun cas quelque chose que l’on peut jouer ou feindre pour arriver à ses fins en tant que praticien. Il ne s’agit pas de convaincre :

« Oui, l’attention sans adhésion, cette règle qui vaut dans la police, la psychanalyse ou le poker est ici caduque. Le patient, lui, n’a pas à adhérer à nos paroles comme à un enseignement : n’oublions pas que c’est à nous de souscrire à son vécu. » (ibid p.143).

En effet c’est au praticien qu’il appartient de s’ouvrir et non à celui qu’il accompagne. Il se doit d’avoir une adhésion authentique à cette « réalité subjective » exprimée par son patient. Quant à ce dernier, il ne s’agit pas de rechercher son adhésion à quoi que ce soit. D’autant moins que son adhésion peut souvent être factice, simulée pour se débarrasser des entretiens qui ne mènent à rien ou des traitements qui sont mal vécus :

« "Vous avez raison, docteur, je disais des bêtises, je me suis trompé, c’est fini." Mais il s’agit souvent de patients qui "fayottent" afin de nous faire plaisir… » (ibid. p.178)

Il s’agit d’accorder valeur à sa réalité comme étant une réalité, vraiment une réalité :

« On admet ainsi que tout ce que le patient sent, pense ou dit est réel, mais sans débattre de la nature de cette réalité […] Soyons précis, ce qui arrive n’est pas plus imaginaire pour nous que pour vous » (ibid. p.141)

Ici il importe pour le praticien d’accéder à ce que j’appelle « réalité subjective ». Le problème aujourd’hui est la propension à vouloir tout objectiver. Or on ne peut objectiver que ce qui a trait aux objets (là c’est juste et utile). Pour ce qui a trait aux sujets, le subjectal compte plus que l’objectal, et la réalité doit être envisagée sous un autre angle. C’est parce que la réalité subjective est reconnue que le patient peut enfin l’exprimer sans crainte.

Je me souviens d’un psychiatre qui me disait que la confiance des patients est difficile à obtenir. Nous avons là un des éléments qui permet à cette confiance de se manifester plus rapidement. Cela est important car sinon le patient reste le plus souvent silencieux ou agité.

6.2Les patients psychotiques quittent leur silence

Face aux propos ou aux attitudes du patient, le Dr Henri Grivois met en œuvre une chose importante qui ne peut que convenir aux praticiens en maïeusthésie dont c’est un des principaux fondements :

« Ce que je tente d’emblée avec les patients est en gros de saisir, avant tout délire, une cohérence […] Le langage n’est pas fait pour tout dire ni tout se dire. Si néanmoins on poursuit c’est parce qu’on admet que ce hiatus entre nous ne masque pas un chaos mais une cohérence.  » (2007, p.164-165).

Une telle confiance inconditionnelle en le fait qu’il ne s’agisse pas de chaos mais de pertinence est un positionnement parfaitement en harmonie avec ce que nous préconisons en maïeusthésie. Avec ce préalable dans l’attitude du praticien, le patient aura tendance à s’exprimer plus rapidement. Le silence n’était pas la manifestation d’une confusion. Il se peut même que le patient ait été plus clair et conscient qu’on ne le pense :

« Ils étaient silencieux parce qu’ils  n’étaient pas confus. […] Le silence ne témoignait d’aucune incohérence. Ils m’apparurent même plus clairvoyants silencieux que je n’imaginais » (2012, p.115).

« Le silence qui masque une expérience impossible à dire ou à penser n’est pas à proprement parler délirant » (ibid, p165).

« Leur silence témoignait de leur incapacité à mettre en scène et en mots ce qui se déroulait sous une autre forme. » (ibid. p116).

« Les patients font état de phénomènes qu’ils décrivent à l’aide de termes ou de comparaisons sensorielles. Repris tels quels, les psychiatres en ont fait des hallucinations. » (ibid. p.166).

Hallucinations qu’elles ne sont pas. Il s’agit simplement d’une expérience vécue, racontée en termes de perceptions alors qu’il ne s’agit pas de perceptions mais d’une expérience de concernement hors du commun, une expérience étendue à l’humanité.

Y-a-t-il des mots pour nommer une expérience sans contenu historique, sans causalité, qui n’est ni spatiale, ni temporelle, contactée sans passer par des perceptions ?

« Elles sont décrites comme des perceptions - ce qu’elles ne sont pas » (ibid.p.167).

« Ils n’ont aucun support sensoriel, aucune représentation phénoménale » (2007, p.109).

« La part de chacun flotte dans l’indifférence générale » (1995, p.28).

« Même si la mise en mots de l’expérience initiale ne repose ni  sur des faits, ni sur des sensations, ni sur des images, il importe que les patients restent en possession de ce qu’ils ont vécu alors avec les autres. Ainsi ne sont-ils pas amputés, sous prétexte de repos, d’une séquence intensément vécue par eux » (2007, p.118).

Voilà sans doute une clé qui doit être considérée comme un élément majeur de la prise en charge des psychotiques : qu’ils ne soient pas amputés d’une séquence intensément vécue par eux.

Comme nous l’avons vu précédemment, tous les êtres sont en concernement dès qu’ils sont en présence (même sans qu’ils n’aient de relations, même sans qu’ils n’en aient conscience). Mais le psychotique, lui, est en concernement aussi avec ceux qui ne sont pas là. Il se trouve que ce vécu de concernement est une réalité subjective forte pour lui, mais indicible, car aucuns mots ne sont prévus pour décrire une telle chose. De ce fait la verbalisation réalisée par eux auprès d’un praticien non averti risque d’être interprétée comme un délire lorsqu’elle est énoncée en termes de perceptions.

« Tout essai de description introduit un virus délirant » (1995, p.30).

Si l’on peut dire qu’il s’agit d’une « dysrégulation de l’interindividualité » (ibid., p.184) on ne devrait pas se précipiter vers l’idée d’hallucinations.

« "Toutes mes voix c’est moi" dit Rachid accablé, mais il ajoute aussitôt "Moi, c’est tous les autres qui parlent". » (ibid. p.168).

6.3Echanges

Je me souviens en consultation d’un psychotique (par ailleurs suivi en psychiatrie) qui en arrivait à cette  phase où il disait qu’il « entend des voix ». Nous n’étions pas en situation de psychose naissante, mais installée depuis de nombreuses années. Or ici aussi le praticien peut offrir une qualité d’accompagnement. Prenant ce qu’il appelle « des voix » très au sérieux, je lui ai demandé de mettre son attention sur ces voix afin qu’il puisse me dire ce qu’elles expriment. Cela ne lui étant pas commode, j’ai modifié mon questionnement en lui proposant de mettre son attention sur la source de ces voix (ce n’est pas l’information qui compte mais l’émetteur de cette information), tout en précisant qu’il n’était pas nécessaire d’identifier quelqu’un, mais simplement une « zone source ». Puis je l’invitais à demander à cette « zone source » en quoi il était important pour elle de s’adresser à lui (question ouverte). Cela lui était encore difficile (la question ouverte n’est pas toujours une bonne pratique), alors je lui ai proposé d’adresser une question fermée « demandez lui si c’est important pour elle de s’adresser à vous ». Elle confirma que oui et je lui proposais alors de lui adresser (à cette zone source) un message de cohérence « si c’est important pour vous de vous adresser à moi, je comprends que vous vous exprimiez ».

(Pour comprendre les nuances de ce questionnement en détail vous pouvez lire la publication de janvier 2012  « Non directivité et validation »).

Cet échange simple et naturel, sans évoquer l’idée d’hallucination, lui permit de trouver une plus grande paix au cours de cet entretien.

Nous avons ici deux phénomènes possibles à l’œuvre : 

-Le concernement, comme nous l’avons vu précédemment avec une source qui peut être une zone précise, aussi bien que « toute l’humanité », mais en même temps lui-même étant cette  humanité.

-Nous pouvons avoir aussi le fait qu’une part de lui s’exprime en lui, mais il la perçoit hors de lui. Peu importe, il convient de tourner vers elle son attention, et de valider cette « part de Soi » (même si ce « Soi » est « le monde entier »).

Avec une patiente (Marguerite), Henri Grivois mise sur le concernement :  

« -tout le monde s’occupe de vous !
-exactement, dit-elle.
Je ne cherche plus alors à extraire Marguerite de ce sentiment, à le réduire à quelques personnes ni à en ramener l’origine à elle seule. Ce n’est pas un sentiment, je crois ce qu’elle dit, oui c’est tout le monde. Cela n’explique rien, mais c’est ainsi et ce point de vue partagé nous rapproche aussitôt. D’emblée, d’instinct, j’évite qu’elle en fasse une histoire, qu’elle trouve une explication et ne glisse ainsi dans le délire. J’admets ce qu’elle vit sans commentaires » (2012, p.121).

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7   La dimension du concernement

7.1Dimension

« Le concernement est l’ensemble des sensations et des sentiments liés à la présence de nos semblables » (Grivois, 2001, p. 88).

Nous savons que le concernement est présent de façon naturelle chez tous les êtres humains. Il ne devient un phénomène propre aux psychotiques que quand il déborde à l’humanité entière hors des personnes présentes ou actuelles. Il peut même déborder jusqu’aux personnes passées aujourd’hui décédées.

Chez le psychotique, le concernement n’est alors plus limité, il est hors des barrières de l’espace et du temps (uchrotopique disons-nous en maïeusthésie, c'est-à-dire ni topique, ni chronique).

« Ce lien est actuel : tous les êtres humains vivants et morts sont concernés par lui » (Grivois, 2012, p.118).

 « Leur concernement émanait de tous les êtres humains, débordant le cadre de leur vie intime »  (ibid. p.120).

« Il est impliqué dans le mouvement de chacun […] Ainsi dans son concernement contrôle-t-il ses semblables alors qu’il est contrôlé par eux. » (ibid. p.118).

« Le psychotique semble venir d’un lieu et d’un temps inassignable » (2001, p. 177).

« La foule pour lui n’est pas une multitude d’individus : elle est l’espèce humaine composée des morts, des vivants et des hommes à venir » (1995, p.21).

Le concernement psychotique, d’après le Dr Henri Grivois, est cependant limité à l’humain, à l’espèce humaine.

 « L’expérience des patients paraît illimitée, mais elle se borne à l’espèce humaine – c’est là qu’elle  naît, se développe et s’arrête. Les patients ne parlent plus d’eux, mais s’ils parlaient, ils diraient : "Je concerne les autres hommes, ils me concernent, je suis concerné par eux, ils sont concernés par moi" » (ibid. p.119).

Finalement cette notion de concernement est bien compréhensible car l’humain s’enracine dans l’humain (ibid. page 17). Nous y avons nos racines personnelles, mais aussi familiales, culturelles, humaines. Nous ne sommes ce que nous sommes que du fait de tous ceux qui nous entourent et de tous ceux qui nous ont précédés.

D’une façon moins vaste beaucoup d’êtres semblent déjà concernés entre eux à leur insu, et aussi en concernement entre eux sans le savoir : chez Carl Gustav Jung avec le Soi et l’inconscient collectif, chez Jacob Lévy Moreno avec la notion de co-conscient et de co-inconscient familial et groupal, chez Anne Ancelin Schützenberger avec les notions d’influences intergénérationnelles (entre générations se connaissant) ou transgénérationnelles (entre générations plus lointaines ne s’étant pas connues) induisant des événements ou des symptômes chez les descendants.

Nous remarquerons aussi les approches systémiques qui prennent en compte l’ensemble du « système » dans lequel se trouve le patient, et pas seulement le « patient tout seul » avec son vécu et son histoire. Nous trouverons l’environnement familial (thérapies familiales systémiques) mais aussi de façon juste un peu plus vaste des « sociothérapies » qui prennent en compte un environnement encore plus élargi.

Tout se passe comme si le psychotique prenait de plein fouet la conscience de telles interactions, et plus encore !... non en les intellectualisant  mais en les ayant en proximité, je dirais en les « percevant » (mais ce mot n’a pas de sens ici)… nous pourrions dire plutôt en en faisant l’expérience « hors perception », « hors intellectualisation », « hors conceptualisation », « hors temporalité », « hors spatialité ». C’est tout simplement là… et ça le dépasse !

7.2Le concernement et l’état communicant

En maïeusthésie, nous différencions l’état relationnel de l’état communicant. Le premier définissant un état de lien, le second un état d’ouverture.

(Voir la publication de janvier 2012 « Non directivité et validation ») 

Selon Henri Grivois, le concernement n’est même pas une relation, mais peut la précéder. Cela conduit le praticien en maïeusthésie à préciser deux types de relations d’une part,  puis la communication et le concernement  d’autre part.

Que perçoit la conscience ? :

Il ne peut pas ne pas y avoir d’information, mais….

1/ Il peut n’y avoir conscience ni des informations échangées, ni des êtres qui les échangent (l’information circule alors inconsciemment -« relation inconsciente »).

2/ Il peut y avoir conscience des informations échangées, mais inconscience des êtres qui les échangent (l’information circule consciemment, au moins en partie, mais les êtres ne sont pas pris en compte -« relation consciente »).

3/ Il peut y avoir conscience des informations échangées, mais aussi conscience des êtres qui les échangent, et ces êtres deviennent prioritaires par rapport  aux informations (l’information circule consciemment certes, mais surtout il y a conscience des êtres  - « communication consciente »).

(Voir sur ce site la publication de septembre 2001 « Assertivité »)

4/ Il se peut cependant que le concernement touche un autre niveau que celui des informations (même très subtiles) et soit purement ontique. Une sorte de contact « hors information ». Un peu comme dans le phénomène EPR en physique quantique, quand des particules réagissent simultanément, même distantes de milliards de kilomètres. Les physiciens disent qu’elles sont « intriquées ». Tout se passe comme si les particules étaient restées en contact malgré la distance. Modifier l’une modifie l’autre instantanément. Un tel « contact implicite » semble illustrer une sorte « d’état communicant inconscient » que serait le concernement. Chez le psychotique, celui-ci devient conscient et étendu à toute l’espèce humaine. Comme une telle chose n’est ni conceptualisable ni dicible, il se retrouve à la fois dans une réalité plus réelle que la réalité… et pourtant impartageable avec quiconque.

-Au sujet de la relation et de la communication

Le problème est que la relation où l’on est conscient est abusivement prise pour de la communication, alors qu’il n’en est rien. Dans la relation, l’« objet information » prime sur le « sujet émetteur ou récepteur », alors que dans la communication les « sujets émetteurs ou récepteurs » priment sur l’« objet information ».

Toute la psychologie et la psychodynamique se sont fondées sur la notion d’objectal (l’objet est au cœur des enjeux libidinaux interhumains) alors qu’ici ce qui importe c’est le subjectal (quand le sujet est au cœur des enjeux existentiels profonds qui se déroulent hors du champ de la libido).

Ce qui définit la communication c’est quand l’attention se porte sur le sujet émetteur de l’information plus que sur l’information elle-même. On peut même « être communicant » (c'est-à-dire « ouvert ») sans qu’il n’y ait d’information.

-Au sujet du concernement

Dans le cas du concernement, on peut imaginer qu’il ne s’agisse même pas d’informations (donc même pas de relation inconsciente), mais de « contacts » qui interagissent. Cependant, ces contacts ne feraient pas, à proprement parler, passer de l’information… mais seulement de l’être. Il n’y a donc pas vraiment de mots, ni même d’informations non-verbales. La sensorialité n’y est pas impliquée.

Cette « conscience inconsciente d’autrui » qui est commune à chacun (sous ce mode inconscient), devient consciente chez le psychotique. Parler d’une « conscience inconsciente » est pour le moins original (veuillez excuser ce paradoxe), mais en maïeusthésie, nous avons cela avec la pulsion de vie qui porte l’individu vers sa complétude (individuation), même quand il ne s’en rend pas compte. Nous trouvons ainsi de nombreux phénomènes profondément pertinents qui sont des « œuvres de conscience », et qui se passent néanmoins à l’insu du sujet concerné.

Henri Grivois nous ouvre une porte nouvelle avec l’idée de concernement qui l’a conduit à écouter ses patients d’une façon inédite. Un peu comme s’il s’était affranchi du contenu sémantique  pour faire passer l’être en premier. D’ailleurs, page 24 (2012), il va jusqu’à parler de « sacré ».

Nous pourrions ajouter en maïeusthésie :

Le concernement n’est effectivement, ni une relation consciente, ni une relation inconsciente. C’est une sorte de contact inconscient chez les êtres humains qui leur permet de s’ajuster entre eux à leur insu, une sorte d’« état communicant inconscient ».

Pour accompagner le psychotique :

Cette situation de « contact inconscient » devient consciente chez le psychotique, mais il ne sait pas quoi  en faire. Faire passer « ce contact inconscient » devenu conscient à un niveau communicant, où le subjectal devient le cœur de ce qui se passe, peut sembler essentiel pour l’accompagner. Tout se passe comme s’il ne s’agissait même pas d’informations, mais d’une sensibilité à ce qui est hors du champ informationnel. Que l’informationnel soit conscient ou non, nommable ou non, n’est alors plus important : ce qui devient fondamental à prendre en compte chez le psychotique, c’est que le non informationnel ontique devient conscient, alors que chez les humains il ne l’est généralement pas (ou seulement sous formes d’intuitions ou  de façon partielle).

(voir sur ce site la publication de février 2010  « Des mots et des intuitions »)

Il semble que le psychotique perçoive les êtres (et même tous les êtres présents et passés), tout en les éprouvant (il est en contact avec leur dehors et leur dedans). Ce qui lui manque c’est de pouvoir concevoir cela dans une juste dimension, car il n’y a pas de références connues pour ce type de situations. Pour y parvenir il doit pouvoir le partager avec un interlocuteur capable de l’entendre, et rompu à la notion de réalité subjective. Celui-ci doit aussi bien avoir intégré les notions de communication (où l’être est consciemment priorisé) que celles de dimensions. Il faut savoir que percevoir les choses avec une dimension en plus modifie leur aspect, qui devient à la fois très clair, mais intraduisible, indescriptible en mots ou en images. Que ceux qui ont un doute à ce sujet lisent « Flatland » de Edwin A. Abbott (1884) :

Initiation d’un individu (un carré nommé « Square » vivant dans un monde à deux dimensions) à l’existence  de Linland (monde à une dimension) [p.80] et de Spaceland (monde à trois dimensions) [p.73], jusqu’à l’intuition de mondes à 4 dimensions ou plus [p.118].

…où, le chapitre sur ce sujet dans ma publication illustrée :

« Irrépressible quête d’origine » au chapitre 6 « Origine dimensionnelle des perceptions » -     juillet 2011).

…ou  pour ceux qui souhaitent visiter mathématiquement cette notion de dimensions :

Le site http://www.dimensions-math.org  qui est très intéressant. Ou encore l’ouvrage « La quatrième dimension – voyage dans les dimensions supérieures » (Thomas Banchoff- Collection « l’univers des sciences » Belin, 1996) qui mérite toute leur attention.

Pablo Picasso, par exemple, tenta de mettre en image à 2 dimensions, une réalité qu’il concevait en 4 dimensions. Pour faire simple, disons qu’avec une 4e dimension, en géométrie on voit toutes les faces d’un cube en même temps sans en faire le tour, et même l’intérieur sans entrer dedans (données purement géométriques qui n’ont rien de métaphysique). Sur un tableau artistique, cela donne des résultats étonnants !... qui ne peuvent tout à fait représenter cette réalité sans la déformer sérieusement.

Dans un domaine moins artistique, le géographe qui voudra rendre compte du globe terrestre (surface tridimensionnelle) sur un planisphère (carte en deux dimensions) sera obligé de beaucoup déformer l’original. La déformation sera telle que celui qui n’a jamais vu de globe ne pourra jamais imaginer celui-ci à partir de cette carte réduite à deux dimensions, aussi précise et astucieuse soit-elle.

Quand il verbalise, le psychotique semble confronté à une telle réduction dimensionnelle, rendant son expérience intraduisible auprès de ceux qui n’ont pas au moins l’idée de son vécu. Les déformations sont alors si importantes,  qu’un écoutant non averti en conclut un délire (comme face à un tableau de Picasso… mais l’artiste, lui, a le droit !)

En tant que praticien, pour faire un peu de « stretching » de la conscience (ou des neurones) sur ce thème, et s’accoutumer à de telles déformations, il peut être intéressant aussi de prendre connaissance de l’expérience de la neuroanatomiste Jill Bolte Taylor « Voyage au-delà de mon cerveau » (2008). Elle rapporte comment, vivant un AVC de son cerveau gauche, elle a éprouvé cette disparition des limites dans une expérience que vous pouvez lire dans son ouvrage, ou entendre dans une de ses conférences (voir liens externes). Doit-on rapprocher cette expérience, au moins en partie, de celle que l’on retrouve chez les psychotiques ou chez ceux qui vivent une EMI ? Ce n’est pas certain, mais cela peut être éclairant.

Quand cinq siècles avant Jésus Christ Lao Tseu,  nous dit :

 « Grand carré sans angles, grand vase inachevé, grande mélodie silencieuse, grande image sans contours : le TAO est caché et n’a pas de nom, cependant sa vertu soutient et accomplit tout » (Lao Tseu, 2000, p.41) « Connaître le non savoir est élévation » (p.71).

Ne nous propose-t-il pas une telle vision sans délimitations, dans laquelle pourtant tout se trouve… et qui pourtant est indicible ?

« Le décor pourrait aussi bien être celui d’une photographie surexposée sans contours, selon l’expression d’un patient harcelé de questions. » (Grivois 2001, p.154).

« La psychose naissante est d’abord une histoire sans sujet. C’est aussi un évènement sans histoire » (ibid. p. 168).

La complexité est telle que quand on parle de « centralité », il faut en même temps parler de « globalité ». Tous ces contraires se côtoient en dialogique comme le dirait Edgard Morin (1999), c’est à dire en complexité intriquéechaque élément contraire soutient l’autre et ne peut être soustrait de la réflexion.

« La psychose établit une différence, mais seulement au-delà d’une indifférenciation subjective totale » (Grivois, 2001, p.176)

Héraclite, cinq siècles avant JC, avait une réflexion assez proche en considérant que  les contraires se côtoyaient de cette façon et que la réalité est multiple. Il envisageait aussi de ne pas se soumettre à l’autorité, et que l’on devait apprendre par soi même… comme le prôna René Descartes bien plus tard (1596-1650), stipulant que le lettré avait beaucoup moins de bon sens que le candide (voir « La recherche de la vérité par la lumière naturelle » Collection « la Pléiade » Gallimard, 1999).

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8   Un regard différent

8.1La lucidité du psychotique

Considérant le psychotique comme étant dément, le praticien risque de ne pas se rendre compte à quel point on ne peut le berner, et à quel point il est sensible à l’authenticité et à la justesse.

La prise en charge ne peut se résumer à une qualité de l’accueil au sens où elle est habituellement entendue. Henri Grivois va même jusqu’à dénoncer cette habitude de croire que l’accueil et l’empathie vont apaiser le patient ou participer à son soin. En effet ce qu’on appelle « accueil » ou « empathie » sont généralement des attitudes plus feintes que ressenties ou, si elles sont authentiques, elles portent plus sur une certaine gentillesse (affect, émotionnel) que sur une sensibilité ontique (sensibilité existentielle). Elles ne sont alors vécues que dans une gentille et éprouvante  confusion compassionnelle où le problème du patient prime sur le patient lui-même, et non dans une sensibilité authentique, là où le patient prime sur son problème et où l’on éprouve un bonheur à la rencontre de l’être qu’il est. Quand l’accueil et l’empathie prétendus se vivent sans cette dimension, ils se vivent sans la congruence (pourtant si fondamentale chez Carl Rogers). Les résultats ne peuvent qu’être décevants… voir contreproductifs. Que de données partiellement intégrées ou enseignées qui viennent égarer ceux qui s’en emparent et croient ainsi bien faire.

Henri Grivois met les praticiens et le personnel soignant en garde sur cette dérive et cette illusion :

 « Le pire des artifices consiste en ce désir de bien accueillir les patients. Ceux d’entre eux qui sont en psychose naissante acceptent mal la bienveillance, la familiarité ou la camaraderie sur fond de compassion » (2012, p.97)

Les patients seraient en droit de crier haut et fort « on est peut-être fou mais on n’est pas idiots ! »

(Lire à ce sujet sur ce site « Bientraitance » d’août 2007 et « Professionnaliser l’accueil » de février 2006)

Henri Grivois n’hésite pas à nous faire remarquer le propos du patient qui dit « On me prend pour un malade, pour un fou, mais surtout pour un c… » (2001, p.142).

Les soignants et praticiens auront avantage à être capables de toucher cette dimension psychique implicite de la réalité subjective, de développer leur sensibilité au subjectal tout en lâchant un peu l’habituelle accroche au paradigme de l’objectal, de l’incohérence, du délire et de la pathologie. Ce n’est pas une approche faite pour être abordée avec des données intellectuelles :

« Le concernement dans les psychoses naissantes ne repose sur rien de tangible, ni pour ceux qui le vivent, ni pour ceux qui l’observent » (ibid. p.130).

Il est nécessaire de s’ouvrir à quelque chose de plus, à accepter un champ nouveau, à faire preuve de curiosité, de confiance, de tact et de délicatesse. Il se peut même que ce qui se passe chez le psychotique soit le contraire de ce qu’on croit habituellement :

 « "Vous nous sentez loin alors qu’on est trop proches. Vous connaissez votre métier, vous savez tout sur la folie, mais ce sont les êtres humains que vous devez connaître" dit Guillaume » (ibid. p.139).

8.2Un contact différent avec soi-même

Nous pouvons apprécier comment le Dr Henri Grivois propose au patient de se rapprocher de lui-même :

« il fallait qu’il cesse de parler en termes d’incohérence et soit tolérant avec lui-même » (2012, p.127)

Nous avons là une belle pratique du soin psychothérapique à laquelle nous ne pouvons que rendre honneur en tant que praticiens en maïeusthésie. L’approche qu’il propose sera d’autant plus porteuse que le praticien verra le « sacré » chez son patient, saura offrir de la validation existentielle authentique (voir sur ce site la publication de septembre 2008 « Validation existentielle ») et devenir révélateur de sens et non pourfendeur de non sens (voir publication de décembre 2007 « Le positionnement du praticien »).

Le patient se rencontrera d’autant mieux lui-même que le praticien saura vraiment le rencontrer et se réjouir de cette rencontre.

8.3De nouvelles possibilités d’accompagnement

Nous noterons que les écrits de Henri Grivois touchent essentiellement la psychose naissante et non celle qui est installée, lorsque l’on a manqué de pertinence dans l’accompagnement initial. Mais il précise aussi que la psychose « renait » plusieurs fois.

Son projet est très clair et il se distingue de ce qui est habituellement pratiqué. Il ne s’agit pour lui ni de rassurer, ni de séduire, ni d’interpréter :

« Le projet est d’abord de donner au patient la possibilité de penser sa propre expérience » (2001, p.149).

Le patient n’a que faire de la compétence professionnelle du praticien, et encore moins de son statut de psychiatre. Ce qu’il cherche c’est un humain capable de s’ouvrir à lui, de le comprendre lui, de le rencontrer lui :

« Accompagner les patients ne consiste pas à se faire connaître comme un bon technicien. Cela stérilise aussi les relations. "Que vous connaissiez votre métier est la moindre des choses. Ce que je vous demande est plutôt de me connaître moi". » (2001, p.149).

Nous resterons cependant convaincus, même hors du champ de la psychose naissante (quand celle-ci est quelque peu installée), que rien n’est fini, qu’une belle qualité d’écoute et de considération restent de mise également en réveillant les pertinences qui ont été mises à mal dans ce début mal accompagné. A ce stade, même le délire est un outil d’accès aux justesses intérieures. Ce ne sont pas des portes qui se sont fermées.

Nous avons vu que la « folie » vient plus de la mauvaise qualité de cet accompagnement initial que d’un désordre chez le patient. Ils deviennent fous surtout  de ne pouvoir dire (ils n’ont pas les mots et leur intellect habituel ne peut appréhender de telles choses) et de ne pas être compris (face à eux il n’y a, ni oreilles, ni conscience pour ce type de propos).

Nous avons tant à apprendre, laissons nous enseigner !

« L’homme qui devient fou révèle, par sa folie même, une part essentielle de la vérité sur l’homme » (Grivois, 2007, p.119).

« Il faut admettre sans réserve que la folie naissante, vraie différence, coexiste avec ce qu’il y a de plus humain dans l’être humain » (1995, p.21).

Une note d’espoir pour les patients : « On ne s’oriente plus seulement vers une conception déficitaire de la psychose, mais aussi vers la recherche de traits positifs […] Notre projet reste de mettre en relief une certaine cohérence face à l’incohérence unanimement reconnue » (2001 p.85-86).

En effet la psychose ne semble pas être le privilège d’une culture plutôt que d’une autre, on la trouve partout dans la même proportion (Grivois, 2001, p.84), comme si elle était une sorte de constante inhérente à l’humain (1 pour 10.000 [ibid, p.79]), se produisant autant chez les hommes que chez les femmes, dans toutes cultures, hors de tout champ épidémiologique. Tout se passe comme si elle venait interroger l’être humain sur quelques fondements essentiels le concernant qui lui échappent encore.

Même si le praticien qui œuvre selon ce qui est écrit ici est seul, il convient de bien prendre la mesure du fait que cela peut suffire à tout changer :

« Le fait qu’un autre comprenne, au minimum un, peut rompre pour le patient le cercle de l’unanimité » (ibid., p.150).

« Au total, patient et praticien doivent éviter de glisser ensemble sur les sentiers faciles de la maladie, l’un restant dedans, l’autre la contemplant du dehors. » (ibid., p.150).

Une telle intervention peut donc produire bien plus qu’on ne le pense. L’excuse d’un environnement qui ne le permet pas ne peut être retenue comme argument pour s’en abstenir, quand il nous incombe un tel accompagnement en tant que praticien. Tout cela ne doit aucunement être dans une attitude de reproche ou de jugement envers les autres acteurs de soins qui font différemment, mais qui font sincèrement pour le mieux, avec les éléments dont ils disposent (et parfois avec douleur). Ils sont le plus souvent prêts à de nouvelles découvertes si nous en avons à leur proposer… pourvu qu’elles leur soient proposées sans les altérer, car tout comme les patients (et comme chacun d’entre nous), ils ont besoin de progrès et d’éclairage, mais aussi de reconnaissance et de considération. C’est toujours cela qui permet à chacun de nous de donner le meilleur de Soi.

Thierry TOURNEBISE

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Bibliographie

Abbott, Edwin
-
Flatland    -Edition du groupe « Ebook libres et gratuits » -1884
disponible en pdf  à http://www.ebooksgratuits.com  
http://www.ebooksgratuits.com/pdf/abbot_flatland.pdf 

Anzieux, Didier
- Les contenants de pensée»-1993 Dunod

Banchoff Thomas
- La quatrième dimension – voyage dans les dimensions supérieures -
 Pour la science Diffusion Belin, 1996 

Bolte Taylor, Jill
-
Voyage au-delà de mon cerveau - Edition Jean Claude Larttès J'ai lu 2008

Catherine Chabert 
-Traité de psychopathologie de l’adulte « Les névroses » - Dunod, 2008

Chartier Jean Pierre
- Guérir après Freud Psychoses et psychopathies - Dunod Paris, 2003

Descartes, René
-
Descartes, Œuvres Lettres - Règles pour la direction de l’esprit - La recherche de la vérité par la lumière naturelle – Méditations – Discours de la méthode  « Bibliothèque de la Pléiade » Gallimard, 1999

Freud, Sigmund
- Le narcissisme – Tchou Sand 1985

Grivois, Henri
-Grandeur de la folie –Robert Laffont 2012
-Parler avec les fous - Les empêcheurs de penser en rond 2007
-Tu ne seras pas schizophrène – Les empêcheurs de penser en rond 2001
-Le fou et le mouvement du monde – Grasset 1995

Jung, Carl Gustav
-Ma vie, souvenirs rêves et pensées- Gallimard Folio, 1973

Lao Tseu
-Tao Te King -Editions Dervy, Paris 2000

Leibniz, Gottefreid Wilhelm
 -Principes de la nature et de la grâce – GF Flammarion,
1996

Maisondieu, Jean
-Le crépuscule de la raison – Bayard 2001

Morin, Edgar – Le Moigne, Jean-Louis
-Intelligence de la complexité – L’Harmattan, 1999    

Liens externes au site

Conférence de Jill Bolte Taylor
You-Tube  ou  Bing Video
Dimensions (animations illustrations) :
http://www.dimensions-math.org

Liens internes au site

Assertivité  septembre 2001
Le ça, le moi, le surmoi et le Soi novembre 2005
Professionnaliser l’accueil février 2006
Bientraitance août 2007
Le positionnement du praticien décembre 2007
Psychopathologie avril 2008
Validation existentielle  septembre 2008
Abraham Maslow  octobre 2008
De l’espace et du temps avril 2009
Des mots et des intuitions février 2010
Symptômes  juin 2011
Non directivité et validation janvier 2012

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