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Séparation - Rencontre

 

La dépression post partum

dépression chez la mère... et chez l’enfant

La dépression de la mère  

Cette dépression, après l’accouchement est assez connue. Imputable en partie aux modifications hormonales, elle est surtout la résultante d’un changement fondamental de la morphologie et de l’habitation de son propre corps. Le ventre a perdu son volume… et son contenu.

Savez-vous que des adolescents dont le corps se transforme trop vite ne se reconnaissent plus? Savez vous que certaines personnes suivant un régime amincissant, si elles maigrissent trop vitre peuvent être déroutée par leur modification corporelle (pourtant désirée)? Dans ces deux cas il peut y avoir état dépressif. Pour la mère qui vient d’accoucher, c’est un peu ça, mais d’un coup… plus la séparation!

Trop souvent, la préparation à l’accouchement ne prévoit pas la préparation à la naissance, c’est à dire l’individualisation et la communication de la mère et de l’enfant. L’heureux événement se transforme alors en déchirure, en arrachement dont le vide qui en résulte est un effondrement.

Il est souhaitable d’aider la mère à rencontrer son enfant individualisé, mais aussi à être reconnaissante envers son ventre, par lequel il a pris corps. Il peut y avoir aussi de nombreuses situations difficiles, dans la vie de la mère, qui ont été réactivées par la naissance, ou même par la grossesse. Dans ce cas une aide psychothérapique aurait été utile.

La déprime de l’enfant

Si la dépression de la mère est connue (bien que souvent mal prise en charge, psychologiquement), la déprime de l’enfant n’effleure généralement même pas les consciences. L’enfant, lors de ce passage du monde de continuité vers le monde de discontinuité se retrouve séparé, seul, en attente de la suite… Ce passage est un changement d’univers radical et sans retour.

Venant de quitter le nid physiologique, il lui faudra apprendre à vivre de cette façon nouvelle. Pour y parvenir, il a encore besoin du nid psychologique de sa mère.

J’ai déjà entendu dans une maternité une puéricultrice dire à une mère "ne le prenez pas autant, vous allez lui donner de mauvaises habitudes!" 

Craindre qu’à cet âge un enfant prenne de mauvaises habitudes est aussi ridicule que si on avait cru que le ventre de la mère est une mauvaise habitude entre 0 et 9 mois. Il y a un temps pour chaque étape de la vie. Celle-ci requiert la présence de la mère qu’il est maladroit de réglementer… car elle est la mieux placée pour en ressentir l’équilibre adapté à son enfant.

L’allaitement

L’allaitement est une sorte de prolongement du nid physiologique.

Pour passer le cap vers cette discontinuité, le nouveau-né trouvera ici la chaleur maternelle qui lui est nécessaire.

Naturellement le nid psychologique peut aussi s’exprimer avec des biberons, en caressant l’enfant, en lui parlant, en lui donnant de l’attention. Mais la chaleur et le côté charnel du sein en font un contact d’exception, tant pour la mère que pour l’enfant.

Trop souvent, des mères ont été découragées d’allaiter. Heureusement, de plus en plus les mères sont, au contraire, encouragées à cette pratique dans laquelle la qualité du lait est inestimable... mais aussi dans laquelle le contact est particulièrement nourricier. Il l’est pour l’enfant, mais il l’est aussi pour la mère qui trouve ici une heureuse continuité.

Une étape autour de laquelle la famille, père, frères, sœurs, s’organisent différemment. Avec le bonheur, se joue en même temps quelques frustrations quand le mari, les frères et sœurs se sentent un peu délaissés par cette mère si attentionnée à ce nouveau né.

Certaines séparations, d'un tout autre genre, sont bien plus délicates.

Avant d’aborder la fin de l’article, où j’évoquerai le cheminement de l’enfant vers de plus en plus d’existence, j’aimerais d’abord évoquer un regard subtil et nuancé sur quelques situations délicates.

Séparations particulières

Quand la naissance se produit, il y a passage d’un enfant en soi à un enfant hors de soi. Si le travail d’individualisation s’est bien fait, cette étape est vécue comme un grand bonheur. Dans le cas contraire, l’heureux événement produit parfois, comme nous l’avons vu plus haut, un état dépressif, un état de manque douloureux, qui n’est pas du qu’à un changement hormonal.

Si la grossesse se passe bien, j’ai déjà abordé le sujet et il n’est pas utile de lire ce paragraphe, vous pouvez alors directement passer au suivant.

Par contre, en cas de grossesse difficile, de fausse couche, d’IVG (interruption volontaire de grossesse) ou d’ITG (interruption thérapeutique de grossesse), ce paragraphe est très important.

J’ai un peu hésité à évoquer ces cas dans cet article de l’enfant à naître, mais comme il y s’agit aussi de rencontre avec l’enfant, je ne pouvais l’ignorer. Ces nuances ne feront que mieux prendre conscience de l’importance de la rencontre… dans tous les cas.

Trop souvent on pense résoudre le problème en invitant à prendre de la distance d’avec l’enfant pour ne pas s’y attacher, dans le but de ne pas trop souffrir de le perdre!

Même si de nombreux soignants ont compris qu’il est préférable de faire l’inverse, ces situations restent délicates. Paradoxalement, c’est celle de l’IVG (la plus courante) qui est la moins bien accompagnée.

Pourtant, on quitte mieux ce qu’on a rencontré que ce qu’on a manqué.

Séparation par choix (IVG)

L'IVG est certainement une avancée. Les grossesses non désirées, les interruptions clandestines meurtrières pour les mères, l’exploitation de la détresse de femmes par les autres, la souffrance des enfants violemment non désirés… autant de raisons de considérer que c’est une avancée prodigieuse.

Mais le fait que ce soit une avancée ne doit pas pour autant nous conduire à en banaliser la pratique. Quand je parle de banalisation indésirable, je ne parle pas du nombre, mais de la manière.

Je vois trop de femmes ayant vécu une IVG par choix, récemment ou il y a longtemps, me livrer en consultation, la détresse qui leur en est restée. Même de nombreuses années après, il reste un travail de réhabilitation à faire : la réhabilitation de la mère meurtrie qu’elle fut à ce moment et la réhabilitation de l’enfant qu’elle a choisi de ne pas garder.

Ce travail peut être accompli beaucoup plus tard, mais il serait préférable que la femme soit accompagnée dans ce sens au moment de l’événement.

Un tel accompagnement l’amène à bien ressentir ce qui motive son choix. Il ne s’agit surtout pas de la détourner de ce qui motive sa décision. Au contraire il s’agit de l’aider à asseoir ce qui la fonde.

Quand la décision est de ne pas garder l’enfant, il est important qu’elle ose mettre l’attention sur lui et qu’elle ose lui expliquer qu’elle ne peut pas le garder. Elle devrait lui ouvrir son ressenti sans détour et néanmoins accueillir ce que lui a fait vivre ce bref temps de partage se limitant à quelques semaines.

Un véritable au revoir ne peut s’accomplir qu’après une véritable rencontre. Attention, je le répète,  une telle démarche n’a surtout pas pour projet, lui faisant rencontrer l’enfant, de la détourner de sa décision. Le projet est qu’elle l’assume et la partage avec l’enfant, puis quelle accepte de l’accompagner vers cette séparation.

Elle en sera moins vide, moins meurtrie, moins coupable. Ultérieurement le manque en sera moins douloureux… car la rencontre aura eu lieu. Ignorer cet enfant produit au contraire un regret profond et récurrent.

Séparation spontanée (Fausse couche)

Là il ne s’agit plus de choix. La nature semble lâcher la mère et l’enfant qui vont devoir mettre un terme à cette rencontre. Soit cela se produit de façon un peu attendue ou redoutée (grossesse à risque) soit cela se produit sans crier gare de façon soudaine.

Dans tous les cas cela ne remet pas en cause la nécessité impérieuse de la rencontre mère enfant. Au contraire, un enfant perdu, quelque soit l’avancée de la grossesse doit avoir une place privilégiée dans le cœur de la mère. Il doit faire partie de son histoire comme ayant existé. L’ignorer c’est le faire disparaître une seconde fois et cela, généralement, la mère ne peut l’accepter.

Je me souviens d’un couple me consultant pour un trouble du comportement de leur quatrième enfant. Nous trouvâmes que la mère eut une fausse couche avant la naissance du premier. Avec tendresse son mari lui avait dit, dans le but de la rassurer "ce n’est pas grave, ma chérie, nous en aurons un autre!" Le "Ce n’est pas grave" était resté gravé en elle comme une profonde douleur.

Cela fait partie des phrases à ne plus dire.

L’enfant perdu doit exister dans le cœur de la mère et aussi être reconnu, dans son importance, par les autres. Pour les enfants suivants il fera partie de l’histoire familiale, ne sera pas occulté, il aura sa place dans le cœur de tous.

Il ne s’agit surtout pas de pensées morbides, ni d’incitation à la commémoration perpétuelle. Au contraire lui donner existence permet de se libérer de la pesanteur et de l’obsession.

Naturellement, si parfois une mère choisit plutôt l’oubli, car cela lui semble momentanément plus acceptable pour survivre, cela doit être profondément respecté. Il ne s’agit en aucun cas de lui imposer ce contact avec son enfant… il s’agit plutôt de savoir repérer le moment où elle le souhaite, et alors de le lui permettre. Alors, on saura l’accompagner pour faciliter cette rencontre valorisante et libératrice.

Séparation thérapeutique (ITG)

Si les deux premières situations de l'lVG et de la fausse couche sont délicates, l’Interruption Thérapeutique de Grossesse l’est encore plus. Il y s’agit d’un enfant désiré chez qui on découvre une pathologie grave, justifiant d'interrompre la grossesse (après réflexion d’éthique en équipe et avec les parents).

Cela est d’autant plus délicat quand cette révélation pathologique se fait tard dans la grossesse, par exemple à six ou huit mois.

Dans l’IVG l’enfant est à son tout début, alors que dans l'ITG, il est beaucoup plus proche du terme, beaucoup plus proche de nous. En dehors du problème d’éthique que pose cette situation, c’est une profonde meurtrissure pour les parents… et en particulier pour la mère.

Dans ce cas aussi la communication, avec cet enfant qu’on ne gardera pas, est de première importance. Il s’agit d’une sorte d’euthanasie intra utérine, et la femme doit accoucher ainsi d’un enfant décédé avant la naissance.

Le temps où l’on faisait vite, puis comme si rien ne s’était passé est heureusement révolu. De nombreuses équipes médicales ont compris qu’il fallait considérer l’enfant comme né puis décédé avec une place dans l’état civil. Ils mettent aussi un soin tout particulier à préparer l’enfant pour le présenter à la mère qui ainsi fera mieux son deuil.

Naturellement il se peut que la mère ne le souhaite pas. Dans ce cas, l’équipe prend des photos qui seront à la disposition de la mère quand elle le souhaitera.

Ces délicatesses sont un immense progrès auquel on ajoutera toute la communication prénatale telle que décrite ci-dessus.

Là aussi la séparation est moins douloureuse si on ne s’est pas manqué.


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