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Temps de la grossesse

Le nid

Quand tout se passe bien, le nid matriciel est un lieu où l’on bénéficie d’un moment d’exception. En tout cas, sur le plan physiologique, rien ne manque. Cette douceur baigne l’enfant d’une délicieuse continuité. C’est d’ailleurs une des choses qui marquera le plus sa naissance : passer du continu au discontinu, passer du permanent à l’alternance (faim-satiété, chaud-froid, présence-absence…).

Le nid physiologique

Le nid physiologique est le minimum incontournable. Sauf en cas de grossesses à problèmes graves ou en cas d’accouchement prématuré, le nid physiologique est là… que la mère le veuille ou non.

Ce n’est pas une affaire de volonté personnelle, mais plutôt une expression de la volonté de la nature.

Naturellement, la qualité de ce nid peut malgré tout être affectée par l’hygiène de vie de la mère. Alcool, tabac, drogues, médicaments, mauvaise nutrition etc… affecteront ce nid qui assurera ainsi plus ou moins bien sa fonction protectrice et nourricière. Dans la plupart des cas l’enfant n’en sera que fragilisé… mais dans les cas d’excès, sa santé et même sa vie pourront être en danger.

Prendre soin de l’enfant, pour la mère, c’est d’abord prendre soin d’elle-même par sa nourriture, son activité physique, par l’évitement de toxiques de toute sorte, par son repos… etc. Il est toujours dommageable pour l’enfant que la mère qui le porte continue de fumer ou de boire. Naturellement il n’est pas bon non plus de culpabiliser une telle mère… mais il n’en demeure pas moins que cela est néfaste pour l’enfant qu’elle porte.

Le nid psychologique

Le nid psychologique, lui, n’est pas toujours là. Sa qualité est plus fragile. Ce n’est plus un minimum incontournable. Une grossesse peut même arriver à terme sans qu’il ait existé.

Cela jouera certainement sur la psychologie de l’enfant, mais n’empêche pas la formation de son corps ni sa naissance. Encore que certaines situations extrêmes peuvent avoir des conséquences psychosomatiques… mais c’est une chose difficile à démontrer avec rigueur.

La façon dont l’enfant est considéré jouera un rôle sur la façon dont il viendra à la vie. Par exemple : les parents peuvent attendre un garçon alors que c’est une fille ; Ils peuvent avoir peur d’être de mauvais parents ; Il peuvent souhaiter un enfant pour remplacer celui qu’ils ont perdu ; Ils peuvent souhaiter un enfant pour prouver aux autres qu’ils en sont capables. Pour diverses raisons, une mère peut aussi ne donner aucune attention à l’enfant qu’elle porte…

Toutes ces situations sont certainement dommageables pour l’enfant, mais les parents n’en sont pas reprochables. D’abord les situations sont rarement caricaturales (il y a beaucoup de nuances), ensuite ils ont une raison intime à leur attitude. Par exemple, une mère qui a vécu plusieurs fausses couches avant sa grossesse, a des raisons d’hésiter à s’attacher… à ce qu’elle risque de perdre. Elle ne s’ouvrira vraiment à son enfant que vers le sixième mois, moment à partir duquel le risque diminue.

Une telle mère a besoin d’aide, d’écoute, de délicatesse et de compréhension… elle n'a surtout pas besoin de reproches !

J’ai déjà eu en thérapie des personnes vivant aujourd’hui un vide, une sensation de désert, correspondant en fait à cette étape de sa vie… Ce sentiment fut apaisé en donnant de l’attention et du soin à l’enfant qu’elles étaient dans le ventre de leur mère, à une époque où leur mère ne pouvait encore le faire. Le processus de cette rencontre avec eux-mêmes est décrit dans le dossier psychothérapie ou dans les ouvrages chaleureuse rencontre avec soi-même (Dangles) et L’écoute thérapeutique (ESF)

Dans le ventre de sa mère, l’enfant est déjà un être de communication. Il est déjà concerné par la vie et le ressenti de ses parents. Certes il ne s’agit pas des canaux habituels… mais la communication est une composante essentielle de son nid psychologique.

La Rencontre mère-enfant

C’est cette rencontre qui constitue le nid psychologique.

De la fusion à la rencontre

Au tout début, le plus souvent, la mère ne communique pas encore avec son enfant… même si elle s’adresse beaucoup à lui ! Ce tout début n’est pas encore une étape de communication. Ce n’est encore qu’une étape relationnelle et fusionnelle.

De même que le couple se rencontre dans la passion (lire à ce sujet l’article de février 2001), l’enfant et la mère se rencontrent d’abord dans la fusion. Cette étape, fort naturelle, délicieuse et nécessaire, doit évoluer vers une individualisation (individuation) permettant véritablement la rencontre.

Quand la mère et l’enfant cessent de ne faire qu’un, ils se mettent à communiquer vraiment (car pour communiquer il faut être deux) Il est souhaitable que cette individualisation se produise avant la naissance… cela devrait même faire partie de la préparation à l’accouchement!

Un échange de vie

Il y a d'abord la découverte de la présence en soi, puis la sensation de profonde intimité. Une intimité telle, que la sensation de ne faire qu’un emplit tout le corps d’une chaleur de vie dans laquelle on ne sait pas très bien lequel des deux donne de la vie à l’autre.

La mère donne la vie à l’enfant, mais aussi l’enfant donne la vie à sa mère. A tel point, qu’il arrive que ce sentiment vienne compenser, chez certaines femmes, un vide de vie, que le quotidien ne remplit pas habituellement. Dans ce cas, la véritable rencontre sera plus difficile car l’étape fusionnelle risque de perdurer… parfois au-delà de la naissance… et pour longtemps.

Si c’est le cas, la vie ne s’échange plus, car l’état fusionnel, naturel au départ, plus tard devient un frein. C’est comme si on voulait dépasser le terme de la grossesse sous prétexte que le ventre de la mère est un bon endroit pour le petit… c’est profondément vrai… mais pas au-delà de neuf mois !

Naturellement, une fois encore, la mère n’en est surtout pas reprochable. Si un tel manque la conduit à ce type de fusion, elle a besoin d’aide… pas de reproches.

Il est utile de bien pointer la différence entre la fusion (affectivité) et l’amour. La fusion, l'affectivité,  absorbe l’autre (et le nie involontairement) alors que l’amour le reconnaît dans sa propre dimension. Il ne peut y avoir de véritable mise au monde dans la fusion (précisions en fin d'article sur la différence entre l'amour et l'affectivité)

La "rencontre message"

Des "messages" divers et subtils s'échangent entre la mère et son enfant. La mère et l'enfant sont à la fois distincts et fusionnels. Les mots peuvent s’exprimer, les sons, les musiques, la voix des parents.

Mais s'expriment aussi les mouvements de l’enfant, ses sursauts, ses jeux, ses réponses aux présences, aux caresses et aux intentions. L’haptonomie est par exemple une approche qui tient beaucoup compte de cette communication par le toucher, par le ressenti. Un canal particulièrement approprié pour l’enfant habitant le sein de sa mère.

Invisible, mais très présent, très ressenti, très expressif, l’enfant partage beaucoup avec cette mère qui lui offre un nid physiologique nourricier et un nid psychologique chaleureux. Il partage aussi déjà beaucoup avec ceux qui l’entourent… élargissant ainsi le nid psychologique au moins au père et à l’ensemble de la famille.

Tous ceux qui l’entourent doivent se faire les acteurs d’une telle reconnaissance et d’une telle communication.

L’intimité

L’intimité va encore plus loin, car l’enfant sera sensible à ce que la mère ressentira. Elle n’aura pas besoin de "dire" pour qu’il "ressente" ses joies, ses peurs, ses tristesses, ses envolées et ses effondrements.

De ce fait, il sera judicieux qu’elle ose éclairer l’enfant qu’elle porte, sur ses doutes ou sur ses envolées. Il sera précieux qu’elle ose l’éclairer sur ce qui se passe. Que son ressenti soit joyeux ou douloureux, cette mère l’explicitera à celui qui est en elle afin de lui offrir l’authenticité de sa présence. Elle s’adressera à l’enfant qu’elle porte comme on s’adresse à quelqu’un à qui on offre sa sincérité… car ce qu’on a de plus beau à lui offrir c’est Soi.

Simuler ou dissimuler ne fait qu’embrouiller. Cela conduit un peu à perdre l’autre, cela conduit à interpréter et à dramatiser. Cela diminue la sensibilité (on ne perçoit plus l’autre) et par conséquence augmente l’émotivité (on imagine l’autre puisqu’on ne le perçoit plus)

Que les moments de vie soient heureux ou douloureux, l’authenticité du partage reste la composante précieuse de la rencontre. Tous les ressentis de l’enfant l’aideront à se construire.

A chaque instant de sa vie, ce qu’il sera, contiendra tout ce qu’il a été et ce qu’ont été ses parents. Il sera essentiel que ce qui est en lui soit clair, compris, intégré, sans mystère. Il sera important qu’il accède à la raison de chacun. Connaître la raison des parents permet d’être libre de leurs pesanteurs.

L’intimité permet une rencontre sans mots, qui va au plus profond de l’être et de ses ressentis. Si les moments douloureux portent à quelques hésitations d’authenticité, les moments heureux produisent au contraire spontanément des envolées de bonheur avec une sensation d’être au plus près de l’autre, de partager avec lui, sans pour autant être dans la fusion.

Tout cela se vit avec beaucoup de profondeur, quand il est ressenti à quel point l’enfant à naître est déjà quelqu’un à part entière, et que ce quelqu’un est un être de communication, porté vers la vie.

Si la mère rencontre l’enfant… la mère se rencontre aussi elle-même dans une dimension jusque là inconnue d’elle.

La rencontre de la mère avec elle-même

Devenir mère

Quand il s’agit d’un premier enfant, la maternité fait entrer la mère dans un autre aspect de la femme, mal connu d’elle jusqu’alors. L’idée de maternité, tant qu’elle n’est connue qu’intellectuellement, même si elle est désirée viscéralement, ne peut rendre compte de la réalité effectivement vécue et ressentie.

La femme devenant mère se trouve dans une position protectrice et nourricière qui fait qu'elle n'est plus simplement la fille de sa propre mère. A son tour, elle est la source, le nid, la sécurité. A son tour  la vie est là, en elle. Elle fait une expérience nouvelle de la femme qu’elle est et de la femme qu'elle devient.

Les autres la regardent tantôt avec considération, tantôt avec plus de considération pour l’enfant qu’elle porte que pour elle! Ce désagrément va parfois jusqu’à incommoder certaines femmes qui aimeraient qu’on les voient aussi! La mère découvre en elle des réactions qu’elle n’aurait pas imaginée.

La mère revit sa propre naissance et sa propre enfance

La grossesse la conduit à revisiter différents aspects de sa propre vie.

Si le premier est une fille, cela amènera naturellement la mère à penser à sa propre naissance, et donc à la grossesse de sa propre mère.

Si le premier est un garçon, il réactivera moins, chez la mère, sa propre naissance. Mais si le suivant est une fille, cette deuxième naissance la rapprochera plus du moment où sa propre mère a accouché d’elle. Ce sera une sorte de première fois quand même.

Si le garçon arrive en deuxième, il donne aussi à sa mère une expérience nouvelle : celle de porter en elle un homme en devenir. La femme en devenir, quand c’était une fille la rapprochait d’elle-même, l’homme en devenir quand c’est un garçon donne un nouveau rôle à la femme.

Si la mère est la troisième dans sa propre fratrie, elle vivra la venue de son troisième enfant comme un événement singulier la rapprochant d’elle-même lors de sa propre naissance, surtout si ce troisième est une fille… etc.

De nombreuses situations sont possibles et renvoient la mère (et le père à leur propre histoire) Quelquefois les situations sont étonnantes : ma femme et moi par exemple avons eu quatre enfants, d’abord trois filles, puis un garçon… or ma femme a deux sœurs et je suis fils unique.

La pulsion maternelle

Après cet accouchement, le désir d’enfant est rarement définitivement rassasié. Que cela soit raisonnable ou non, après quelque temps, la femme ressent souvent le besoin d’une nouvelle maternité.

Ce désir peut se trouver mal compris et frustré. Or il fait partie de la femme, qui souvent n’ose l’avouer aux autres… et même, n’ose se l’avouer à elle-même.

Naturellement l’amplitude de ce désir dépend en grande partie de la façon dont les choses se sont passées dans les accouchements précédents. Elle dépend aussi de l’histoire personnelle, conjugale, amoureuse et familiale de la femme.

Ce désir, qui est toujours là, même après plusieurs grossesses, rend douloureux le cap des 40 ans. Un âge où la maternité est possible, mais non souhaitée. Une sorte de pré-deuil avant que, plus tard, la fécondité ne cesse totalement. Là encore elle rencontrera une nouvelle dimension de sa vie de femme.

Cette étape est difficile et mal prise en compte, car peu d’interlocuteurs entendront son ressenti. Chacun ne tentera que de la raisonner sans jamais vraiment la comprendre. La comprendre ne voulant pas dire "fais donc un enfant!". Cela signifie plus simplement reconnaître l’importance que ça a pour elle.

 


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