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copyright Thierry TOURNEBISE
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Le nid
Quand tout se passe bien, le nid matriciel est un lieu où l’on bénéficie
d’un moment d’exception. En tout cas, sur le plan physiologique, rien ne
manque. Cette douceur baigne l’enfant d’une délicieuse continuité. C’est
d’ailleurs une des choses qui marquera le plus sa naissance : passer du
continu au discontinu, passer du permanent à l’alternance (faim-satiété,
chaud-froid, présence-absence…).
Le nid physiologique
Le nid physiologique est le minimum incontournable. Sauf en cas de
grossesses à problèmes graves ou en cas d’accouchement prématuré, le nid
physiologique est là… que la mère le veuille ou non.
Ce n’est pas une affaire de volonté personnelle, mais plutôt une
expression de la volonté de la nature.
Naturellement, la qualité de ce nid peut malgré tout être affectée
par l’hygiène de vie de la mère. Alcool, tabac, drogues, médicaments,
mauvaise nutrition etc… affecteront ce nid qui assurera ainsi plus ou
moins bien sa fonction protectrice et nourricière. Dans la plupart des
cas l’enfant n’en sera que fragilisé… mais dans les cas d’excès, sa
santé et même sa vie pourront être en danger.
Prendre soin de l’enfant, pour la mère, c’est d’abord prendre soin d’elle-même
par sa nourriture, son activité physique, par l’évitement de toxiques de
toute sorte, par son repos… etc. Il est toujours dommageable pour l’enfant
que la mère qui le porte continue de fumer ou de boire. Naturellement il n’est
pas bon non plus de culpabiliser une telle mère… mais il n’en demeure pas
moins que cela est néfaste pour l’enfant qu’elle porte.
Le nid psychologique
Le nid psychologique, lui, n’est pas toujours là. Sa qualité est plus
fragile. Ce n’est plus un minimum incontournable. Une grossesse peut même
arriver à terme sans qu’il ait existé.
Cela jouera certainement sur la psychologie de l’enfant, mais n’empêche
pas la formation de son corps ni sa naissance. Encore que certaines situations
extrêmes peuvent avoir des conséquences psychosomatiques… mais c’est une
chose difficile à démontrer avec rigueur.
La façon dont l’enfant est considéré jouera un rôle sur la façon dont
il viendra à la vie. Par exemple : les parents peuvent attendre un
garçon alors que c’est une fille ; Ils peuvent avoir peur d’être de
mauvais parents ; Il peuvent souhaiter un enfant pour remplacer celui qu’ils
ont perdu ; Ils peuvent souhaiter un enfant pour prouver aux autres qu’ils
en sont capables. Pour diverses raisons, une mère peut aussi ne donner aucune
attention à l’enfant qu’elle porte…
Toutes ces situations sont certainement dommageables pour l’enfant, mais les
parents n’en sont pas reprochables. D’abord les situations sont rarement
caricaturales (il y a beaucoup de nuances), ensuite ils ont une raison intime
à leur attitude. Par exemple, une mère qui a vécu plusieurs fausses
couches avant sa grossesse, a des raisons d’hésiter à s’attacher… à ce qu’elle
risque de perdre. Elle ne s’ouvrira vraiment à son enfant que vers le
sixième mois, moment à partir duquel le risque diminue.
Une telle mère a besoin d’aide, d’écoute, de délicatesse et de
compréhension… elle n'a surtout pas besoin de reproches !
J’ai déjà eu en thérapie des personnes vivant aujourd’hui un vide, une
sensation de désert, correspondant en fait à cette étape de sa vie… Ce
sentiment fut apaisé en donnant de l’attention et du soin à l’enfant qu’elles
étaient dans le ventre de leur mère, à une époque où leur mère ne pouvait
encore le faire. Le processus de cette rencontre avec eux-mêmes est décrit
dans le dossier psychothérapie
ou dans les ouvrages chaleureuse
rencontre avec soi-même (Dangles) et L’écoute
thérapeutique (ESF)
Dans le ventre de sa mère, l’enfant est déjà un être de communication.
Il est déjà concerné par la vie et le ressenti de ses parents. Certes
il ne s’agit pas des canaux habituels… mais la communication est une
composante essentielle de son nid psychologique.
La Rencontre mère-enfant
C’est cette rencontre qui constitue le nid psychologique.
De la fusion à la rencontre
Au tout début, le plus souvent, la mère ne communique pas encore avec son
enfant… même si elle s’adresse beaucoup à lui ! Ce tout début n’est
pas encore une étape de communication. Ce n’est encore qu’une étape
relationnelle
et fusionnelle.
De même que le couple se rencontre dans la passion
(lire à ce sujet l’article de février 2001), l’enfant
et la mère se rencontrent d’abord dans la fusion. Cette
étape, fort naturelle, délicieuse et nécessaire, doit évoluer vers une
individualisation (individuation) permettant véritablement la rencontre.
Quand la mère et l’enfant cessent de ne faire qu’un, ils se mettent à
communiquer vraiment (car pour communiquer il faut être deux) Il est souhaitable que
cette individualisation se produise avant la
naissance… cela devrait même faire partie de la préparation à l’accouchement!
Un échange de vie
Il y a d'abord la découverte de la présence en soi,
puis la sensation de profonde
intimité. Une intimité telle, que la sensation de ne faire qu’un
emplit tout le corps d’une chaleur de vie dans laquelle on ne sait pas très
bien lequel des deux donne de la vie à l’autre.
La mère donne la vie à l’enfant, mais aussi l’enfant donne la vie à sa
mère. A tel point, qu’il arrive que ce sentiment vienne compenser,
chez certaines femmes, un vide de vie, que le quotidien ne remplit pas
habituellement. Dans ce cas, la véritable rencontre sera plus difficile
car l’étape fusionnelle risque de perdurer… parfois au-delà de la
naissance… et pour longtemps.
Si c’est le cas, la vie ne s’échange plus, car l’état fusionnel,
naturel au départ, plus tard devient un frein.
C’est comme si on voulait dépasser le terme de la grossesse sous prétexte
que le
ventre de la mère est un bon endroit pour le petit… c’est profondément
vrai… mais pas au-delà de neuf mois !
Naturellement, une fois encore, la mère n’en est surtout pas reprochable.
Si un tel manque la conduit à ce type de fusion, elle a besoin d’aide… pas
de reproches.
Il est utile de bien pointer la différence entre la fusion
(affectivité) et l’amour.
La fusion, l'affectivité, absorbe l’autre (et le nie involontairement) alors que l’amour le
reconnaît dans sa propre dimension. Il ne peut y avoir de véritable mise au
monde dans la fusion (précisions en fin d'article sur la
différence entre l'amour
et l'affectivité)
La "rencontre message"
Des "messages" divers et subtils s'échangent entre la
mère et son enfant. La mère et l'enfant sont à la
fois distincts et fusionnels. Les mots peuvent s’exprimer, les sons,
les musiques, la voix des parents.
Mais s'expriment aussi les mouvements de l’enfant,
ses sursauts, ses jeux, ses réponses aux présences, aux caresses
et aux intentions. L’haptonomie
est par exemple une approche qui tient beaucoup compte de cette communication
par le toucher, par le ressenti. Un canal particulièrement approprié pour l’enfant
habitant le sein de sa mère.
Invisible, mais très présent, très ressenti, très expressif, l’enfant
partage beaucoup avec cette mère qui lui offre un nid physiologique nourricier
et un nid psychologique chaleureux. Il partage aussi déjà beaucoup
avec ceux qui l’entourent… élargissant ainsi le nid psychologique au moins
au père et à l’ensemble de la famille.
Tous ceux qui l’entourent doivent se faire les acteurs d’une telle
reconnaissance et d’une telle communication.
L’intimité
L’intimité va encore plus loin,
car l’enfant
sera sensible à ce que la mère ressentira. Elle n’aura pas besoin
de "dire" pour qu’il "ressente" ses joies, ses peurs, ses
tristesses, ses
envolées et ses effondrements.
De ce fait, il sera judicieux qu’elle ose éclairer l’enfant qu’elle
porte, sur ses doutes ou sur ses envolées. Il sera précieux qu’elle
ose l’éclairer sur ce qui se passe. Que son ressenti soit joyeux
ou douloureux, cette mère l’explicitera à celui qui est en elle afin de lui
offrir l’authenticité de sa présence. Elle s’adressera à l’enfant
qu’elle porte comme on s’adresse à quelqu’un à qui on offre sa
sincérité… car ce qu’on a de plus beau à lui
offrir c’est Soi.
Simuler ou dissimuler ne fait qu’embrouiller.
Cela conduit un peu à perdre l’autre, cela conduit à interpréter et à
dramatiser. Cela diminue la sensibilité (on ne perçoit plus l’autre) et par
conséquence augmente l’émotivité (on imagine l’autre puisqu’on ne le
perçoit plus)
Que les moments de vie soient heureux ou douloureux, l’authenticité du
partage reste la composante précieuse de la rencontre. Tous les
ressentis de l’enfant l’aideront à se construire.
A chaque instant de sa vie, ce qu’il sera, contiendra tout ce qu’il a
été et ce qu’ont été ses parents. Il sera essentiel que ce qui
est en lui soit clair, compris, intégré, sans mystère. Il sera important qu’il
accède à la raison de chacun. Connaître la raison
des parents permet d’être libre de leurs pesanteurs.
L’intimité permet une rencontre sans mots,
qui va au plus profond de l’être et de ses ressentis. Si les moments
douloureux portent à quelques hésitations d’authenticité, les moments heureux
produisent au contraire spontanément des envolées de
bonheur avec une sensation d’être au plus près de l’autre, de
partager avec lui, sans pour autant être dans la fusion.
Tout cela se vit avec beaucoup de profondeur, quand il est ressenti à quel
point l’enfant à naître est déjà quelqu’un à part entière, et que ce
quelqu’un est un être de communication, porté vers la vie.
Si la mère rencontre l’enfant… la mère se rencontre aussi elle-même
dans une dimension jusque là inconnue d’elle.
La rencontre de la mère avec elle-même
Devenir mère
Quand il s’agit d’un premier enfant, la
maternité fait entrer la mère
dans un autre aspect de la femme, mal connu d’elle jusqu’alors. L’idée de
maternité, tant qu’elle n’est connue qu’intellectuellement, même si elle
est désirée viscéralement, ne peut rendre compte de la réalité
effectivement vécue et ressentie.
La femme devenant mère se trouve dans une position protectrice et
nourricière qui fait qu'elle n'est plus simplement la fille de sa
propre mère. A son tour, elle est la source, le nid,
la sécurité. A son tour
la
vie est là, en elle. Elle fait une
expérience nouvelle de la femme qu’elle est et de la femme qu'elle devient.
Les autres la regardent tantôt avec considération,
tantôt avec plus de
considération pour l’enfant qu’elle porte que pour elle! Ce
désagrément va parfois jusqu’à incommoder certaines femmes qui aimeraient
qu’on les voient aussi! La mère découvre en elle des réactions qu’elle
n’aurait pas imaginée.
La mère revit sa propre naissance et sa propre enfance
La grossesse la conduit à revisiter différents aspects de sa propre vie.
Si le premier est une fille,
cela amènera naturellement la mère à
penser à sa propre naissance, et donc à la grossesse de sa propre mère.
Si le premier est un garçon, il réactivera moins, chez la mère, sa
propre naissance. Mais si le suivant est une fille, cette deuxième naissance la rapprochera plus du
moment où sa propre mère a accouché d’elle. Ce sera une sorte de première
fois quand même.
Si le garçon arrive en deuxième, il donne
aussi à sa mère une expérience
nouvelle : celle de porter en elle un homme en devenir. La femme en
devenir, quand c’était une fille la rapprochait d’elle-même, l’homme en
devenir quand c’est un garçon donne un nouveau rôle à la femme.
Si la mère est la troisième dans sa propre fratrie, elle vivra la venue
de son troisième enfant comme un événement singulier la rapprochant d’elle-même lors de sa propre naissance, surtout si ce troisième est une fille… etc.
De nombreuses situations sont possibles et renvoient la mère (et le père
à leur propre histoire) Quelquefois les situations sont étonnantes : ma
femme et moi par exemple avons eu quatre enfants, d’abord trois filles, puis
un garçon… or ma femme a deux sœurs et je suis fils unique.
La pulsion maternelle
Après cet accouchement, le désir d’enfant est rarement
définitivement rassasié. Que
cela soit raisonnable ou non, après quelque temps, la femme ressent
souvent le besoin d’une
nouvelle maternité.
Ce désir peut se trouver mal compris et frustré. Or il fait partie de la
femme, qui souvent n’ose l’avouer aux autres… et même,
n’ose se l’avouer
à elle-même.
Naturellement l’amplitude de ce désir dépend en grande partie de la
façon dont les choses se sont passées dans les accouchements précédents.
Elle dépend aussi de l’histoire personnelle, conjugale, amoureuse et
familiale de la femme.
Ce désir, qui est toujours là, même après plusieurs grossesses, rend
douloureux le cap des 40 ans. Un âge où la maternité est possible, mais non
souhaitée. Une sorte de pré-deuil avant que, plus tard, la fécondité ne
cesse totalement. Là encore elle rencontrera une nouvelle dimension de sa vie
de femme.
Cette étape est difficile et mal prise en compte, car peu d’interlocuteurs
entendront son ressenti. Chacun ne tentera que de la raisonner sans jamais
vraiment la comprendre. La comprendre ne voulant pas dire "fais donc un
enfant!". Cela signifie plus simplement
reconnaître l’importance que ça
a pour elle.
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