Dans ce dossier, les deux paragraphes ci-dessous traitent de mon approche
de l'empathie. Si vous souhaitez compléter cette information, vous pouvez
aussi lire sur ce site l'article de novembre 2000
"Le
piège de l'empathie".
Vous y trouverez 6 pages détaillées sur le sujet.
L'empathie est le cheval de bataille par excellence de la communication et
de tous les métiers d'écoute, depuis le psy jusqu'au manager en passant par
le commercial etc...
Quand celle-ci est clairement définie comme l'art d'écouter l'autre pour
se mettre à sa place tout en restant soi-même... c'est peut être moindre
mal. Mais quand on remarque en plus que le mot empathie signifie étymologiquement
"sentir à la place de l'autre"... la confusion est très risquée.
Nous ne pouvons
jamais nous mettre à la place
de l'autre... même quand nous avons vécu des situations similaires aux
siennes, nous ne sommes pas lui. Il perçoit l'évènement à travers le
prisme de l'histoire de vie qui est la sienne et il ne peut percevoir la même
chose que nous, car notre histoire de vie à nous, est forcément
différente. L'art de la communication, c'est l'art
de l'acuité qui permet de voir et accueillir cette différence de perception.
Se mettre à la place de l'autre revient seulement à contempler son propre
imaginaire... c'est le meilleur moyen de
ne pas voir l'autre et de n'être que relationnel. Même avec de bonnes intentions
nous sommes alors distants. Nous ne faisons ainsi que gérer ce que nous
imaginons et non ce que
vit et ressent notre interlocuteur. J'appellerai cela du narcissisme
relationnel.
Et pourtant! Si nous avons vécu la "même chose que
l'autre", ne sommes-nous pas alors en droit de penser que nous
pouvons le comprendre? Et bien non! Une même circonstance ne produit pas
exactement les mêmes ressentis chez tout le monde. Par contre, l'avantage,
est que nous réalisons mieux que l'autre vit quelque chose d'important. Cela nous permet d'être
interpellé même quand nous ne sommes que relationnels.
La limite de cet avantage est que nous ne sommes malgré tout que dans l'illusion de
vraiment comprendre ce qu'il vit,
pense ou ressent... Se mettre à la place ne renseigne pas sur la réalité de
ce que vit ou perçoit l'autre car "similaire"
ne veut en aucun cas dire "identique"! Il faut
retenir que nous
percevons la vie selon notre histoire personnelle (récente ou ancienne) et non seulement à travers ce que sont
les évènements.
Les points de vue ne sont pas interchangeables. Ce
qui empêche la communication est surtout la croyance en une réalité commune
à tous. Tout en donnant l'impression de nous rapprocher les uns des autres,
cette illusion de pensée commune nous
éloigne de nos interlocuteurs et nous plonge dans l'inefficacité
relationnelle.
Tous les problèmes de vulnérabilité dans
l'écoute viennent du fait que nous avons quelques difficultés à être
distincts.
Quand nous croyons nous rapprocher de l'autre souvent nous ne faisons que nous
mettre à sa
place. Peut-être allons-nous alors le conseiller, le plaindre, penser ou
décider pour lui. Cela conduit à des ingérences maladroites et même
parfois désastreuses pour tous.
D'où vient cette difficulté à être distinct ?
Probablement de notre peur de la solitude.
Probablement aussi du fait que la
vie est une succession de fusions et d'individualisations qui
sont restées en chantier : d'avec notre mère lors de notre naissance puis
vers 5-7 ans, d'avec
notre famille lors de notre adolescence, d'avec notre conjoint vers la
quarantaine, d'avec le travail vers la soixantaine etc... Nous peinons quelque
peu à mieux devenir soi afin
de mieux rencontrer l'autre.
Nous compensons ce manque d'affirmation
de soi par l'ego, la personnalité... et l'empathie!
Même dans le couple, on ne rencontre vraiment son conjoint qu'une fois
sortie de la nécessaire phase de fusion initiale. Quand cette rencontre
lucide de la différence se passe bien, on peu enfin parler d'amour.
L'amour c'est être ouvert à l'autre (communication) alors que la passion
c'est avoir besoin de l'autre (relation). Avoir besoin
de l'autre semble être une faiblesse ? C'est pourtant un judicieux
moyen pour se libérer de l'ego et pour accroître
son humilité.
Vu
notre faible capacité à accueillir la différence d'autrui, avoir
besoin des autres nous préserve de trop d'égoïsme!
La peur de la solitude nous
pousse aussi beaucoup vers les autres. Mais,
habités par une sorte de besoin de clan où tout le monde serait
"pareil" (car ça sécurise), leur différence nous dérange. Cette
différence de l'autre nous renvoie à notre sentiment de solitude que
justement nous essayons de fuir.
Pour préserver cette sécurité nous
ne faisons alors que les imaginer en niant
leurs différences. C'est certainement
cette crainte viscérale de la solitude
qui nous conduit à penser comme les autres ou à
tenter de les faire penser comme nous.
Mais c'est un piège car dans ce cas plus
personne n'existe! Nous ne sommes alors que
dans une
illusion de non solitude. Celle-ci nous
perturbe insidieusement (même en étant entouré de monde) car nous ne vivons
plus alors que dans un imaginaire rempli de clones.
Nous pouvons énoncer la règle suivante si simple, mais si importante :
Pour
ne plus être seul
il faut être deux ! |
Pour
être deux
il faut arrêter
de ne faire qu'un ! |
Lire aussi, sur ce sujet, l'article de novembre 2000 Le
piège de l'empathie